Le cahier «Tourisme»

Les attraits touristiques de la Provence-Alpes-Côte d’Azur font de notre région une destination phare comme en témoigne le nombre de visiteurs qui découvrent tout au long de l’année le patrimoine environnemental, culturel, architectural et historique, en se concentrant souvent sur des territoires exigus et surfréquentés en haute saison. Pour développer l’économie du tourisme, les acteurs du secteur, institutionnels et privés, promeuvent sans relâche les « expériences » à vivre au quotidien : activités aquatiques et sportives, sorties nature, artisanat et shopping, culture et patrimoine, détente et loisirs, vin et gastronomie, art moderne et contemporain, rendez-vous festifs… De la plongée sous-marine au surf des neiges, en passant par les festivals ou la farniente, rien ne manque pour convaincre les voyageurs, quelles que soient les tendances, les modes, les envies, les gourmandises, les convictions, les bourses, les générations… Tout est pensé pour vivre des séjours insolites et accueillir en nombre les touristes locaux, nationaux et internationaux.

Les recettes directes et indirectes donnent au tourisme régional un poids économique considérable qui a le mérite de créer des emplois et des richesses, d’attirer les investisseurs, de faciliter la construction d’infrastructures et équipements… Les enjeux financiers du tourisme concentrent l’attention des décideurs, collectivités, investisseurs, entreprises et professionnels désireux de bénéficier de la manne financière. Même les acteurs non professionnels, aux aguets, en profitent. Dans ces conditions si favorables d’un point de vue économique, pourquoi se questionner sur le tourisme régional ? Pourquoi serait-il nécessaire d’alerter les acteurs du tourisme et de nuancer ce succès, cette love story, tout en proposant des pistes d’adaptation au changement climatique et d’atténuation des émissions de GES ?

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Sommaire

Sommaire du cahier

  1. Introduction générale
  2. Le tourisme régional au coeur des enjeux actuels
    1. Une riche biodiversité régionale à préserver
    2. Le poids économique du tourisme régional et les émissions de GES associées
    3. Transition écologique du tourisme régional : enjeux et opportunités
    4. Quelles nouvelles attentes des touristes ?
  3. Le tourisme côtier face au changement climatique
    1. Quelles sont les principales évolutions climatiques sur le littoral ?
    2. La relocalisation des biens, services et personnes en question
    3. La prise en compte du tourisme dans les PPRN : les exemples de Villeneuve-Loubet et Fréjus
    4. Quels enjeux de l'évolution de la saisonnalité du tourisme littoral ?
    5. Quatre scénarios pour le tourisme côtier régional
  4. Le tourisme de montagne face au changement
    1. Quelles sont les principales évolutions climatiques en montagne ?
    2. Quels enjeux et perspectives pour les stations de sports d'hiver en tension ?
    3. Evolution des pratiques de l'alpinisme et de la randonnée
    4. Quel devenir des activités aquatiques en montagne ?
  5. Le tourisme des territoires ruraux face au changement climatique
    1. Quels loisirs dans les espaces ruraux pour limiter l’empreinte carbone ?
    2. Le développement du slow tourisme dans les territoires ruraux
    3. Les principales vulnérabilités du tourisme rural face au changement climatique
  6. L'attractivité touristique de nos villes dans un contexte de changement climatique
    1. Quels impacts du changement climatique en milieux urbains
    2. Des solutions fondées sur la nature pour favoriser le confort thermique et la biodiversité
    3. Quels aménagements pour limiter le risque inondation et protéger les infrastructures ?
  7. Quelles pistes pour réinventer le tourisme ?
    1. Repenser le transport des visiteurs tout au long de leur parcours
    2. Quelle production énergétique pour répondre aux besoins des touristes demain ?
    3. La gestion de la fréquentation touristique dans le Parc national des Calanques
    4. Quelle gestion de l’immobilier des résidences secondaires pour accompagner les transitions ?
    5. Tendre vers des projets de transition touristique adaptés aux territoires ?
  8. Conclusion
  9. Contributeurs

  1. Introduction générale

    Les attraits touristiques de la Provence-Alpes-Côte d’Azur font de notre région une destination phare comme en témoigne le nombre de visiteurs qui découvrent tout au long de l’année le patrimoine environnemental, culturel, architectural et historique, en se concentrant souvent sur des territoires exigus et surfréquentés en haute saison.
    Pour développer l’économie du tourisme, les acteurs du secteur, institutionnels et privés, promeuvent sans relâche les « expériences » à vivre au quotidien : activités aquatiques et sportives, sorties nature, artisanat et shopping, culture et patrimoine, détente et loisirs, vin et gastronomie, art moderne et contemporain, rendez-vous festifs… De la plongée sous-marine au surf des neiges, en passant par les festivals ou la farniente, rien ne manque pour convaincre les voyageurs, quelles que soient les tendances, les modes, les envies, les gourmandises, les convictions, les bourses, les générations… Tout est pensé pour vivre des séjours insolites (Photo 3) et accueillir en nombre les touristes locaux, nationaux et internationaux. Les recettes directes et indirectes donnent au tourisme régional un poids économique considérable qui a le mérite de créer des emplois et des richesses, d’attirer les investisseurs, de faciliter la construction d’infrastructures et équipements… Les enjeux financiers du tourisme concentrent l’attention des décideurs, collectivités, investisseurs, entreprises et professionnels désireux de bénéficier de la manne financière. Même les acteurs non professionnels, aux aguets, en profitent.

    Dans ces conditions si favorables d’un point de vue économique, pourquoi se questionner sur le tourisme régional ? Pourquoi serait-il nécessaire d’alerter les acteurs du tourisme et de nuancer ce succès, cette love story, tout en proposant des pistes d’adaptation au changement climatique et d’atténuation des émissions de GES ?

    La région Provence-Alpes-Côte d’Azur est un « petit pays » de 5 millions d’habitants qui a su profiter de l’essor touristique monial et de la démocratisation des moyens de transport (avion, voiture…) ces dernières décennies. Par an, 36,6 millions de séjours sont dénombrés, les touristes venant de tous les horizons. Cette forte affluence touristique régionale génère des émissions de gaz à effet de serre (GES), aujourd’hui mal quantifiées, faute d’études récentes, qui aggravent les effets du changement climatique néfastes à toute l’économie touristique. Le transport (avions, bateaux de croisière, voitures…) et les hébergements sont les principaux émetteurs de GES, mais les pratiques agro-alimentaires et la consommation énergétique représentent aussi des enjeux majeurs. En effet, chaque visiteur, durant son séjour et lors de ses activités, consomme des biens, des services, des ressources naturelles et des énergies fossiles, exerce des pressions sur les écosystèmes terrestres et marins souvent fragiles, altère la qualité de l’air, accroît le volume de déchets, renforce le gaspillage alimentaire, favorise l’importation de produits répondant à sa demande et ses exigences… Lors des pics de fréquentation saisonniers, la population de certaines localités prisées est multipliée par 3, 5 ou 10, encourageant l’augmentation du nombre de lits « froids » et de résidences secondaires au détriment des habitations annuelles ce qui accentue les inégalités et tensions sociales.

    Le tourisme mondial est aujourd’hui responsable et victime du changement climatique (répétition des événements climatiques extrêmes, recul de l’enneigement, acidification et élévation du niveau de la mer…), comme tous les secteurs d’activité, à des degrés variables. Des acteurs locaux défendent, avec un intérêt sous-jacent, le bilan des émissions de GES du tourisme en Provence-Alpes-Côte d’Azur en affirmant que la part des émissions du tourisme régional est infime par rapport aux émissions nationales et mondiales.

    Ce constat perd toute pertinence quand le regard se porte sur :

    □ les émissions régionales de GES par touriste incluant le transport domicile-destination, ses déplacements une fois sur place, ses activités au quotidien et toutes les attentions qui lui sont réservées avant, pendant et après son séjour (construction d’hébergements, d’infrastructures d’accueil et de routes, rénovation d’hébergements, mise à disposition d’équipements de loisirs…),
    □ l’urbanisation déstockant et/ou limitant la séquestration du carbone dans les sols, la biomasse, les forêts et les zones humides, accentuant le risque de ruissellement et d’inondations en cas de pluies intenses…,
    □ la quantité de produits manufacturés et alimentaires importés,
    □ les pollutions (eau, sol, air) qui détériorent l’état de santé du vivant,
    □ la qualité des ressources en eau souterraine et de surface,
    □ la dégradation des habitats et milieux naturels ou semi-naturels, l’appauvrissement de la biodiversité,
    □ la saturation de la capacité de charge3 des milieux naturels…

    Le coût environnemental du tourisme régional, encore mal évalué, est à mettre dans la balance des dépenses et recettes, et s’additionne au coût social (précarité des emplois, inégalités de revenus, santé au travail…) qui est le plus souvent payé par les populations les plus vulnérables.
    Notre région est clairement dépendante de son tourisme qui est aujourd’hui confronté à des défis auxquels il ne peut pas se soustraire. Son modèle de développement fragilisé par le changement climatique doit s’adapter aux contraintes environnementales, sociales, économiques et politiques tout en saisissant les opportunités de la transition écologique qui, contrairement à des affirmations hâtives, ne s’apparente pas à un déclin de notre économie. En instaurant de nouvelles stratégies de développement, le tourisme régional est capable de se réinventer et d’innover en vue de contribuer à l’atteinte de la neutralité carbone en 2050, de rendre nos territoires plus sobres et résilients, d’améliorer la qualité de vie des habitants et de continuer à faire rêver nos visiteurs. Ce cahier thématique du GREC-SUD ouvre des voies pour tendre vers cet objectif.

  2. Le tourisme régional au coeur des enjeux actuels

    La région a tous les atouts pour attirer les visiteurs du monde entier. Le tourisme régional avec ses trois « marques monde » (Provence, Alpes, Côte d’Azur), pour reprendre l’expression du Comité régional du tourisme, est l’un des piliers de l’économie locale, mais ce secteur dynamique contribue au changement climatique, à la dégradation des écosystèmes naturels et au développement des flux mondialisés. Ce chapitre fait un point sur le poids économique du secteur, les émissions de gaz à effet de serre associées, la fragilité de la biodiversité, les enjeux et opportunités de la transition écologique, et l’évolution des attentes des touristes.

    1. Une riche biodiversité régionale à préserver

      Notre région bénéficie d'un patrimoine naturel exceptionnel. Elle présente une forte diversité d'habitats où vivent un grand nombre d'espèces animales et végétales.

      Elle abrite 71,5 % des différentes espèces de la France métropolitaine (Figure 4). C’est l’un des 34 hotspots de biodiversité au niveau mondial.

      La forte fréquentation touristique représente une source de dégradation croissante de nos écosystèmes naturels et de leur biodiversité (cette pression s’est accrue après la crise sanitaire de la Covid-19). En effet, les activités liées au tourisme de masse, notamment en été, perturbent et affectent les écosystèmes fragiles comme les zones humides ou côtières, les dunes, les forêts, les milieux marins… Parallèlement, la biodiversité régionale est aussi fortement soumise aux effets du changement climatique : périodes de sècheresse de plus en plus sévères et longues, canicules plus fréquentes et intenses, hausse de la température des eaux de surface et profondes… Or, nos espaces naturels sont de véritables amortisseurs du changement climatique et des événements climatiques extrêmes, par exemple
      □ séquestration des gaz à effet de serre dans la biomasse et les sols,
      □ zones tampons en cas de fortes pluies et d’inondations (les zones humides jouent notamment un rôle d’éponge, ce qui limite et ralentit le ruissellement).

      Essentielle à notre économie régionale, la fréquentation touristique, quand elle est mal gérée et excessive, altère les fonctions des milieux naturels et ne permet pas le maintien de la biodiversité : piétinements, dérangements d’espèces, production de déchets, notamment plastiques, dont certains deviennent des pièges pour la faune, pollution sonore sur terre comme en mer perturbant le cycle de vie des espèces, ancrage des bateaux détruisant la flore marine… Ces réalités se traduisent par exemple par l’érosion des milieux ou la régression des herbiers de posidonie.

      Les afflux touristiques enregistrés sur certains sites peuvent être très importants :
      □ les sources de l’Huveaune dans le Parc naturel régional de la Sainte-Baume : 45 000 visiteurs par an ;
      □ les gorges du Toulourenc, entre Baronnies provençales et mont Ventoux : 120 000 visiteurs en été ;
      □ le belvédère du Point sublime, site de départ et d’arrivée du couloir Samson dans le Grand canyon du Verdon : plus d’un million de visiteurs par an ;
      □ le Grand site Concors Sainte-Victoire : plus d’un million et demi de visiteurs par an ;
      □ Parc national des Calanques : trois millions de visiteurs par an ;
      □ Camargue : plus de 5 millions de visiteurs par an…

      Les gestionnaires des espaces naturels protégés travaillent sur la gestion des flux touristiques pour mieux répartir la fréquentation tout au long de l’année, limiter les pressions sur les milieux naturels, responsabiliser les usagers et, dans le même temps, développer un tourisme durable visant à améliorer les expériences du visiteur avec la mise en place d’aménagements de zones d’accueil ou de cheminements, de plans de communication

      et de sensibilisation, de systèmes de réservation… L’Agence régionale de la biodiversité et de l’environnement, dans le cadre du Réseau régional des gestionnaires d’espaces naturels protégés (RREN), favorise le partage et la capitalisation des expériences.

      Dans la région, des initiatives exemplaires (à multiplier) sont à souligner :
      □ une collaboration inédite entre le Comité régional du tourisme et Waze pour une expérimentation de redirection des flux touristiques vers des sites alternatifs dans les espaces naturels,
      □ la mise en place par le Parc national des Calanques d’une solution de réservation obligatoire (Photo 4 et 5, cf. §6.2) pour accéder aux sites qui subissent des pics de fréquentation, ou encore la fermeture de la route des Goudes à la circulation motorisée,
      □ la régulation des afflux grâce à la mise en place d’une zone de mouillage, d’équipements légers et d’une jauge journalière des navettes l’été dans le Parc national de Port-Cros, pour éviter de dégrader les herbiers de posidonies, véritables poumons de la mer Méditerranée.

    2. Le poids économique du tourisme régional et les émissions de GES associées

      La renommée internationale de la Provence-Alpes-Côte d’Azur (douceur du climat en toute saison, diversité des paysages, richesse de la faune et flore, saveurs médi-terranéennes, variété des loisirs…) attire de nombreux touristes en toute saison, notamment en été. Cette attractivité se traduit par un fort dynamisme économique, mais aussi un bilan GES et énergétique défavorable.

      et 237,7 millions de nuitées, dont 150,8 millions de nuitées françaises et 86,9 millions de nuitées internationales. Les séjours touristiques (au moins une nuit en un lieu fixe) sont, par saison, équitablement répartis (Figure 1), mais les nuitées se concentrent au cœur de l'été (35 %), ce qui signifie que les séjours sont plus longs durant la période estivale (9 jours), sachant que la durée moyenne d’un séjour est de 6,5 jours.

      Le poids économique et l'attractivité touristique de la région

      La Côte d'Azur (Alpes-Maritimes et sud-est du Var) concentre 42 % des nuitées régionales et les deux départements des Alpes-Maritimes et du Var 55 % des nuitées. Les touristes français viennent principalement de la région parisienne, d'Auvergne-Rhône-Alpes et de Provence-Alpes-Côte d'Azur. De leur côté, les touristes étrangers (Figure 2) sont essentiellement issus d'Europe de l’Ouest, des pays d'Europe centrale et de l'Est,

      des États Unis... L’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni représentent un tiers des séjours internationaux, l’Amérique du Nord 8 %. Cette attractivité touristique génère d’importants revenus : d’après une étude du Comité régional du tourisme (CRT) parue fin 2023, le tourisme est un secteur économique majeur dans la région avec 20 milliards d'euros

      de retombées économiques directes (16,8 milliards contre 14 milliards en 2010) et indirectes (3,2 milliards), 13 % du produit intérieur brut (PIB) et 153 000 emplois (124 000 salariés et 29 000 non-salariés, soit environ 9 % des emplois). Le budget moyen du séjour et par personne (sans prise en compte des durées de séjour) s’élève à 942 euros. Au printemps et en automne, la dépense moyenne par jour et par personne est la plus élevée. Le tourisme infrarégional et le tourisme international représentent chacun 29 % des séjours, mais le premier apporte 13 % des retombées économiques et le second 45 %.

      Des émissions de gaz à effet de serre mal connues

      Au total, selon l’ADEME, les émissions de gaz à effet de serre du secteur du tourisme en France atteignent 118 millions de tonnes d’équivalent CO2 (eqCO2) en 2018, ce qui correspond aux émissions de GES de 11 millions de Français sur une année entière. La part des émissions du bilan GES qui ont lieu sur le territoire national (50 millions de tonnes de eqCO2) représente 11 % de l’inventaire national d’émissions de GES en France, pour un poids de 7,4 % du PIB.

      D’après l’Observatoire régional de l'énergie, du climat et de l'air de Provence-Alpes-Côte d'Azur (ORECA), qui a pour mission d’évaluer et de soutenir les politiques publiques en suivant l’évolution du secteur énergétique sur le territoire régional, les principales consommations d'énergie et émissions de GES du tourisme, hors excur-
      sions à la journée, proviennent de :

      1.déplacements domicile-lieu de vacances et sur le lieu de vacances (transport),
      2. occupation de résidences (hébergements),
      3. utilisation d’équipements touristiques et de loisirs.
      Le transport et l’hébergement sont largement dominants en termes d’émissions de GES et de consommation énergétique (Figure 3). Dans le secteur du transport, l’avion (60 % pour seulement 14 % des séjours) et la voiture (38 %) étaient responsables de 98 % des émissions régionales de gaz à effet de serre. La consommation d’énergie était mieux répartie : 35 % train (TGV et trains régionaux),29 % avion, 26 % voiture, 9 % bateau… À titre indicatif, aujourd’hui, pour venir et quitter la région, 62 % des touristes utilisent la voiture, 16 % l’avion (son usage étant largement facilité par les vols à bas coût des compagnies aériennes), 15 % le train… Et l’augmentation du nombre de croisiéristes génère à l’heure actuelle des émissions de GES et polluants significatives, alors que les croisières, malgré leur succès, restent un motif de séjour marginal. Au total, le tourisme régional représentait 11,7 millions de tonnes eqCO2 d’après l’ORECA.
      Pour mieux évaluer la part réelle des émissions de GES du tourisme régional, il serait nécessaire d’actualiser les chiffres qui datent de 2010-2011.

      Le tourisme est un secteur économique majeur dans la région avec 20 milliards d’euros de retombées économiques directes et indirectes.

      Zoom 1. Guide méthodologique et outil pour la réalisation d’un bilan carbone

      Marielle HERBADJI (ADEME)

      Dans le cadre du plan Destination France5, le pilotage de mesures, dont celle visant à renforcer la durabilité du secteur touristique et inscrire les activités dans des démarches actives de réduction des émissions de gaz à effet de serre, a été confié à l’ADEME à partir de 2022.
      Plusieurs études sont prévues dans le cadre de cette mesure pour outiller les acteurs du tourisme :
      1. actualisation du bilan d’émissions de gaz à effet de serre (BEGES) du tourisme en France : cette actualisation est prévue afin de constater les évolutions depuis le dernier exercice et mettre à jour les données de référence du secteur ;
      2. élaboration d’un guide sectoriel BEGES tourisme & territoires : le projet vise à doter les Régions (conseils régionaux) d’éléments méthodologiques pour construire leur propre BEGES tourisme et d’un outil structurant pour la définition et le pilotage de politiques touristiques en faveur de la durabilité. Le guide et l’outil sont destinés aux Régions et, plus particulièrement, aux observatoires des comités régionaux du tourisme. D’autres guides sectoriels de ce type ont par ailleurs déjà été publiés par l’ADEME6.
      Le guide sectoriel a pour objectif d’établir une méthodologie en vue de réaliser un bilan régional GES pour la filière du tourisme. Une expérimentation menée auprès de trois régions volontaires, sélectionnées par l’ADEME, permettra de présenter dans le guide les grandes tendances observées et donner une vision des principaux postes d’émissions de GES de la filière touristique. Le guide méthodologique intègrera également des exemples de mesures territoriales pertinentes afin que les acteurs régionaux puissent facilement passer à l’action à la suite d’un exercice de bilan GES.
      L’outil développé : il facilite la mise en application de la méthodologie décrite dans le guide sectoriel. Chaque Région pourra intégrer ses données d’activité liées au tourisme dans l’outil afin d’établir son bilan GES. La construction de l’outil s’appuiera sur l’expérimentation, permettant notamment de vérifier la disponibilité des données régionales et départementales nécessaires, et d’arbitrer les cas particuliers où la donnée ne serait pas disponible, de tester l’intégration de jeux de données réels, et de s’assurer que l’outil prenne en compte les spécificités territoriales.
      Le calendrier : les deux études (actualisation BEGES et élaboration du guide sectoriel) sont réalisées ou en cours de finalisation et les rapports seront publiés au second semestre 2024.

    3. Transition écologique du tourisme régional : enjeux et opportunités

      Le tourisme est une activité fortement tributaire des conditions climatiques et potentiellement exposée aux aléas : 80 % des communes très touristiques sont concernées par au moins un risque (contre 49 % des communes françaises) et une vulnérabilité spécifique des clientèles touristiques face aux risques est observée (hébergements et activités touristiques implantés dans le milieu naturel, touristes peu sensibilisés aux risques…). Le changement climatique a des effets à la

      fois directs sur les ressources climatiques (température de l’air et de l’eau, ensoleillement) et indirects sur les ressources environnementales du tourisme (couverture neigeuse, érosion du littoral, débit des cours d’eau pour les activités de loisirs, paysages et biodiversité). Sur le long terme, les impacts du changement climatique sur les ressources récréatives et touristiques côtières (des infrastructures aux plages), de montagne (enneigement du domaine skiable, coût énergétique, économique et

      environnemental de la production de la neige artificielle) ou encore hydriques (eau pour la consommation des équipements touristiques et eaux des lacs et rivières soumises à des risques d’eutrophisation7 et de pollution) invitent à engager la transition écologique du secteur et des territoires touristiques

      Face à l’accroissement des conflits d’usages (utilisation des espaces naturels et gestion de la ressource en eau) et des coûts de maintien des ressources nécessaires aux activités de tourisme et de loisirs, ou encore face au risque de développement de friches touristiques (remontées mécaniques par exemple) dans des territoires fortement dépendants de la mobilité des visiteurs (mobilités dont le coût énergétique et économique risque de s’accroître), il est primordial d’anticiper la transition écologique.

      Si les trajectoires de transition sont variées et doivent être adaptées à chaque territoire, en s’appuyant sur leurs spécificités et potentialités, certains questionnements sont transversaux et des perspectives d’évolution du secteur peuvent être esquissées.

      Le transport (Photo 6) et les mobilités, au coeur des pratiques touristiques, constituent un point central de la transition écologique. Les stratégies de développement touristique à la recherche d’une attractivité internationale (plus carbonée) sont-elles encore judicieuses dans un contexte de crise climatique et énergétique, alors que la gestion de la crise sanitaire Covid-19 a mis en lumière et amplifié les pratiques de tourisme de proximité ? La valorisation du tourisme et des loisirs de proximité, en développant l’offre de transport en commun (hors avion) et les modes doux pour se rendre et se déplacer sur les lieux touristiques, est une option crédible. Se positionner sur un tourisme bas carbone ou accessible sans voiture est une opportunité, tant pour les visiteurs ne possédant pas de voiture (50 % des Parisiens, les jeunes, les ménages aux revenus modestes…) que les entreprises qui pourraient inscrire leurs évènements dans leurs démarches de RSE (responsabilité sociétale des entreprises).

      Parallèlement, pour les acteurs publics, définir les priorités vis-à-vis des usages concurrents est essentiel. La pression du tourisme est par exemple la plus forte au moment où les ressources en eau sont rares et mobilisées pour l’irrigation. Afin de répondre aux objectifs du zéro artificialisation nette (ZAN), la question de la

      sobriété pour l’usage des sols semble également fondamentale pour un secteur dont les principaux investissements sont liés au développement de l’hébergement (en particulier les résidences secondaires).
      Soutenir la conversion des activités les plus vulnérables et intégrer l’adaptation au changement climatique dans les démarches de développement touristique existantes paraît inévitable. Les leviers d’action sont pluriels : diversifier l’offre touristique et plus largement l’économie des territoires touristiques, imposer des efforts de réduction des impacts écologiques aux hébergeurs (rénovation thermique…) et prestataires d’activités touristiques, sensibiliser et former les professionnels et les futurs professionnels, mais aussi les touristes, aux économies d’énergie et aux comportements responsables, mettre en place les modalités d’une éco-conditionnalité des aides et, surtout, envisager la sobriété, voire la décroissance de ce secteur (sans réduire la décroissance à un déclin économique caricatural).

      Cela nécessitera un portage politique fort, un engagement de tous les partenaires et l’accès à des financements permettant de réaliser des actions concrètes. Les gestionnaires pourront s’appuyer sur les outils de la planification et l’invention de récits et projets de territoires renouvelés. La question du changement d’échelle de gestion des destinations et aires touristiques pourrait être envisagée dans cette perspective.

    4. Quelles nouvelles attentes des touristes ?

      Les attentes et aspirations des touristes sont en constante évolution et fortement dépendantes de leur mode de vie, de leur âge, mais aussi des problématiques ou événements subis telles que la situation économique (augmentation des tarifs, prix du pétrole) et sécuritaire (attentats, guerres), les crises sanitaires, les mouvements sociaux (grèves), mais aussi le changement climatique, la crise écologique…

      La pandémie de la Covid-19 a favorisé le développement de plusieurs formes touristiques :
      □ le tourisme orienté vers la reconnexion avec la nature, le ralentissement des activités (prendre son temps) et les activités en plein air,
      □ le tourisme régénératif offrant la possibilité aux visiteurs d’avoir un impact positif (le tourisme durable se base sur un impact neutre) sur la destination de vacances, son écosystème naturel, sa culture, son économie locale…,
      □ le tourisme où l’individu devient « consom’acteur » qui, par ses choix (destinations, moyens de transport, types d’hébergement, diversification des parcours, achats en amont et pendant le séjour…), fait évoluer l’offre des prestataires et des producteurs. Son objectif est de devenir un acteur influent du marché.

      La recherche de confort et du bien-être, et le retour à la nature sont des pratiques qui s’intensifient et certains signaux s'accélèrent comme télétravailler sur son lieu de vacances, voyager de manière plus responsable

      responsable, opter pour un hébergement mobile, réserver à la dernière minute, vivre une expérience unique, vivre comme un habitant…

      Comme l’activité touristique est volatile et évolue selon les nouvelles attentes sociétales et les modes, le tourisme en région Provence-Alpes-Côte d’Azur est obligé de s'adapter aux influences de la digitalisation et des effets du changement climatique, et d’intégrer la prise de conscience des acteurs qui comprennent mieux les enjeux environnementaux et territoriaux (capacité de charge des sites et milieux, répartition saisonnière des flux touristiques, amélioration de la cohabitation entre usagers et habitants, crise du logement, gestion des déchets, pénuries des ressources naturelles, etc.). Les communes de la région sont appelées à renforcer ou renouveler leur identité touristique durable pour se démarquer et maintenir une attractivité qui répond aux nouvelles attentes et exigences des touristes nationaux et internationaux.

  3. Le tourisme côtier face au changement climatique

    Face au développement des pratiques touristiques et au changement climatique, le tourisme côtier régional est soumis à de fortes contraintes qui rendent le secteur vulnérable. Pour mieux comprendre les enjeux, les évolutions climatiques et les risques associés d’ici 2050 sont rappelés, avant d’aborder plus précisément la relocalisation des biens, des services et des personnes, de présenter des solutions d’adaptation du tourisme sur le littoral et des scénarios prospectifs.

    1. Quelles sont les principales évolutions climatiques sur le littoral ?

      Le changement climatique affecte d’ores et déjà le littoral de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur où se concentrent environ 4 habitants sur 5 (forte urbanisation) et une majorité de touristes. Des indicateurs montrent combien l’évolution du climat est rapide et parfois irréversible. Pour aller plus loin, se référer au cahier thématique du GREC-SUD La mer et le littoral de Provence-Alpes-Côte d’Azur face au changement climatique.

      L'évolution récente du climat sur le littoral régional

      Sur le littoral régional, l’augmentation de la température annuelle moyenne est d’environ +1,8 °C depuis 1960. Cette augmentation n’est pas égale selon les saisons. L’été est la période où le réchauffement est le plus marqué. Cette évolution rapide de la température se traduit notamment par :
      □ une accumulation de jours anormalement chauds toute l’année ;
      □ une augmentation de la fréquence, de la durée et de l’intensité des vagues de chaleur, et plus généralement des événements climatiques extrêmes (canicules, sécheresses, pluies intenses, inondations, feux extrêmes, gels tardifs…) ;
      □ un renforcement des îlots de chaleur urbains et des zones de surchauffe, et un accroissement du nombre de nuits tropicales9 (multiplié par 5 à Nice en 60 ans), limitant le confort thermique des habitants et des touristes. En bord de mer, l’humidité de l’air limite la tolérance à la chaleur des êtres humains ;
      □ un accès plus contraint aux ressources en eau

      de surface et/ou souterraines (les cours d’eau subissent déjà des étiages prononcés à cause de l’évaporation et des prélèvements croissants) ;
      □ une plus forte évapotranspiration des plantes ;
      □ un assèchement des sols perturbant les végétaux, mais aussi tous les êtres vivants des sols ;
      □ une évolution de la phénologie des végétaux (dépérissement d’espèces d’arbres par exemple) et des habitats naturels terrestres ;
      □ une augmentation de la température de la mer10, en surface et en profondeur (dont canicules sous-marines), et de l’acidification de l’eau de mer principalement provoquée par l'absorption de dioxyde de carbone atmosphérique, altérant le bon fonctionnement des écosystèmes marins et favorisant la mortalité des gorgones, des herbiers de posidonie, du coralligène… ;
      □ un dépérissement de forêts marines ;
      □ un dépérissement d’espèces forestières ;
      □ sous l’effet du rayonnement solaire et des fortes températures, maintien ou augmentation de la pollution à l’ozone11 sur le littoral et dans l’arrière-pays ;
      □ l’introduction d’espèces invasives exotiques sur terre et en mer ;
      □ la prolifération d’Ostreopsis et d’algues filamenteuses ;
      □ l’augmentation des blooms de méduses ;
      □ un besoin en climatisation plus important en été dans les logements, collectivités, commerces, entreprises, etc. engendrant une hausse significative des besoins énergétiques compensés partiellement par la baisse des besoins en chauffage en hiver.

      Depuis 1960, Météo-France enregistre une baisse des précipitations sur le littoral régional, surtout au printemps et en été (proche de -50 % au printemps et -60 % en été à Nice, -13 % sur les cumuls annuels), plus marquée dans les Alpes-Maritimes et le Var. Cette diminution des pluies s’accompagne depuis 50 ans d’une augmentation de l’intensité (+22 %) et de la fréquence des épisodes méditerranéens (doublement des évènements dépassant un seuil de 200 mm de pluie par jour, soit 200 litres par m²). La tempête Alex en octobre 2020 (Photo 7) en est une illustration. Les surfaces touchées sont également en hausse (sols artificialisés, construction

      en zones inondables…) et la probabilité de crue centennale a doublé. L’augmentation de la température de la mer Méditerranée et de l’atmosphère (un air plus chaud peut contenir plus de vapeur d'eau) favorise les conditions les plus extrêmes (pluies diluviennes). Vu des évolutions, les périodes de retour des épisodes méditerranéens sont à réviser pour éviter les sous-dimensionnements des aménagements et infrastructures. La variabilité naturelle du climat reste un marqueur du climat méditerranéen et côtier régional. Mais les années froides d’aujourd’hui sont, par exemple, plus chaudes que les années chaudes d’hier.

      Le climat régional en 2050

      À ce rythme, en moyenne, la température augmenterait encore d’environ 1,2 °C supplémentaire d’ici 2050 (+1,8 °C en été). D’après les projections climatiques régionalisées, ces seuils seraient dépassés (+2,5 °C en été par exemple ce qui aggraverait les îlots de chaleur urbains) si les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas réduites de manière drastique avant 2030 (-55 % par rapport à 1990). Les températures extrêmes pourraient dépasser 39-40 °C sur le littoral d’ici 2050. Les cumuls annuels de précipitations sur le littoral resteraient relativement stables, avec une baisse probable des précipitations en été, partiellement compensée par une hausse des précipitations en automne et en hiver. Avec des étés plus longs, chauds et secs, des événements climatiques extrêmes plus fréquents et

      intenses (dont tempêtes et cyclones méditerranéens), la salinisation de la ressource en eau due à l’élévation du niveau de la mer, tous les ingrédients seraient réunis pour mettre à mal la résilience des territoires littoraux (accès à l’eau, incendies…). Le risque sanitaire accentue la menace. En effet, les activités anthropiques et le changement climatique peuvent multiplier les risques infectieux. Après l’introduction du moustique tigre (via le transport international), la hausse de la température a favorisé son expansion, accéléré son cycle de développement et augmenté sa période d’activité au cours de l’année. Sa piqûre transmet potentiellement la dengue, le chikungunya et le zika. Le changement climatique favorise également le développement des tiques Ixodes ricinus et Hyalomma marginatum : déplacement des zones climatiques et modification du rythme de développement saisonnier des deux espèces, vectrices de la

      maladie de Lyme, de l’encéphalite à tique et de la fièvre de Crimée-Congo. Le changement climatique a et aura une influence directe ou indirecte sur les activités socio-économiques, les infrastructures, l’habitat, le transport, les écosystèmes naturels, la vie et la santé des habitants, les ressources en eau…, et immanquablement le tourisme.

      Sous l’effet de l’élévation du niveau de la mer, d’ici 2050, les plages de sable étroites, urbaines et très fréquentées sont les espaces littoraux les plus menacés de disparition. Une plage qui ne peut pas reculer (obstacle rocheux, falaise, route, voie ferrée, promenade artificialisée, mur…) est vouée à disparaître, même si des effets de pente12 peuvent partiellement la préserver un temps, dans certains cas. De manière générale, si la vitesse d’élévation du niveau de la mer est lente (réduction drastique des émissions de gaz à effet d’ici 2030 et neutralité carbone en 2050), et si, sous l’effet du changement climatique, les tempêtes se multiplient

      (projection de sable à l’intérieur des terres), les plages de sable pourraient bénéficier de compensations et résister ces prochaines décennies, comme en Camargue ou le long du cordon littoral ouest (tombolo) de la presqu’île de Giens. En revanche, si la vitesse d’élévation de la mer est rapide, la compensation est beaucoup plus incertaine, voire nulle. D’ici 2050, la mer Méditerranée montera d'environ 25 cm par rapport à aujourd’hui. La majorité des plages seront préservées et accessibles aux touristes, même si leur surface diminuera sensiblement. Des disparitions de petites plages ou « plages de poche » (< 10 m de large et selon configuration physique), sans recul stratégique possible, seront constatées : leur impact sur l’accueil des touristes sera problématique, mais relativement limité. L’élévation du niveau de la mer ne s’arrêtera toutefois pas en 2050, même si la neutralité carbone est atteinte à l’échelle mondiale. En effet, le phénomène continuera de s’aggraver pendant encore des siècles, d'où l'intérêt de se projeter au-delà de 2050.

    2. La relocalisation des biens, services et personnes en question

      Avec l’élévation du niveau de la mer Méditerranée, le littoral régional, même en cas de scénario socio-économique optimiste du GIEC, sera remodelé. Les acteurs côtiers qui commencent à en prendre conscience s’interrogent sur le devenir des habitations, du patrimoine historique et environnemental, des infrastructures, des équipements et des services menacés par la montée des eaux. La difficile question de la relocalisation des biens, services et personnes est mise en lumière dans ce sous-chapitre.

      Qu’est-ce que la relocalisation ?

      La gestion des littoraux exposés à divers risques, aggravés par le changement climatique (submersions marines des zones basses, érosion côtière, Photo 8), peut être assurée par des actions de défense contre la mer (ouvrages de protection, enrochements, réensablement de plages) ou des projets de relocalisation des biens menacés. Il s’agit alors de déconstruire les aménagements littoraux ou de les laislaisser s’effacer (enrochements et digues qui s’ensablent ou à travers lesquels la mer ouvre des brèches), en ayant auparavant supprimé ou démoli les habitations et/ou les bâtiments d’activités menacés par la mer.

      Cette pratique, qui s’opposait à de nombreuses résistances sociales ou psychologiques (sentiment de défaite ou de « recul » devant la nature), est désormais de plus en plus acceptée comme une réalité inéluctable à moyen ou long terme. Après des années d’atermoiements, les exemples et le droit ont avancé. Ainsi, certaines infrastructures ont déjà été déplacées, comme la route de Sète à Marseillan en 2019, pour redonner de l’espace à la plage de sable et réorganiser des circulations douces. En 2012, l’appel à projets du ministère de l’Environnement a permis l’expérimentation de cinq territoires vulnérables (dont Vias dans l’Hérault et Hyères dans le Var), suivi par un second en 2020.

      Les compétences locales concernant les submersions marines

      Les compétences locales ont progressivement évolué. Toutes les communes littorales sont désormais responsables de la gestion des submersions marines : en premier lieu, du fait de leur compétence GEMAPI (Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations), qui vise la prévention contre les inondations, mais aussi la défense contre la mer ; en second lieu, parce que la directive sur les inondations de 2007 a imposé aux collectivités territoriales de rédiger de nouveaux documents, des stratégies locales de gestion des risques d’inondation (SLGRI). Huit SLGRI ont été bâties en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Quatre concernent des territoires littoraux et intègrent le risque submersion marine : « Nice - Cannes - Mandelieu », « Est-Var », « Toulon - Hyères » et « Delta du Rhône».

      Les compétences relatives au recul du trait de côte

      Pour ce qui concerne l’érosion côtière ou le recul du trait de côte, le Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) pouvait, depuis 2016, fixer des objectifs de moyen et long termes. Les régions peuvent également établir des stratégies régionales de gestion intégrée du trait de côte. À ce jour, la Région Occitanie a décliné sa propre stratégie14 (Stratégie régionale de gestion intégrée du trait de côte 2018-2050), alors que la Région Sud n’a pas adopté la sienne15. Seul le Var a mis en place une stratégie départementale de gestion des zones sableuses. Mais la loi climat et résilience de 2021 a surtout proposé de nouveaux outils juridiques aux

      acteurs locaux. Ainsi, la relocalisation devra être abordée dans les schémas de cohérence territoriale (SCoT) des intercommunalités. Dans les discussions portant sur le SCoT seront identifiés les « secteurs habités denses » à protéger contre la mer et, au contraire, les secteurs susceptibles d’accueillir les « installations et constructions pour des projets de relocalisation » qui auront été supprimées des zones moins denses menacées par le recul du trait de côte.

      Ensuite, 242 communes françaises volontaires devront se doter d’une carte locale d’exposition au recul du trait de côte. Force est de constater que très peu de communes se sont portées volontaires dans notre région : 4 dans les Bouches-du-Rhône (Cassis, La Ciotat, Marseille, Sausset-les-Pins) et 2 dans les Alpes-Maritimes (Antibes, Èze), et aucune dans le Var, alors que, par exemple, Hyères avait été pionnière en 2012. Ces communes volontaires seront accompagnées (cartographie subventionnée jusqu’à 80 % par l’État) afin d’intégrer ces zones de risques littoraux dans les documents locaux d’urbanisme. La carte réalisée permettra de délimiter, dans les plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi), deux zones exposées au recul du trait de côte : l’une à l’horizon 30 ans et l’autre à un horizon compris entre 30 et 100 ans. La zone de risque à 30 ans deviendra inconstructible, sauf exceptions. Dans la zone de risque à 100 ans, des constructions seront possibles sous condition de démolition dans leurs dernières années de vie avant la réalisation du risque, aux frais du propriétaire. Dans ce cas, un nouveau contrat de bail réel immobilier de longue durée (12 à 99 ans) permettra l’occupation temporaire des zones à risques, en prévoyant, à l'échéance, la démolition des installations et la renaturation du terrain. En outre, lorsque le recul du trait de côte le justifiera, le PLUi devra porter la largeur de la bande littorale inconstructible à plus de cent mètres. Il pourra également délimiter des « emplacements réservés à la relocalisation d'équipements, de constructions et d'installations exposés au recul du trait de côte ».

      Les communes deviennent ainsi directement responsables de l’inscription des risques côtiers, aggravés par le changement climatique, dans leurs documents d’urbanisme. Ces derniers ont même vocation à remplacer progressivement les dispositions relatives au recul du trait de côte qui étaient éventuellement présentes dans les plans de prévention des risques (PPR) littoraux. Or, comme indiqué, les communes littorales de notre région ne se sont pas précipitées pour prendre en charge la réflexion et la gestion des risques littoraux. Seules huit communes avaient des réglementations d’urbanisme liées aux risques côtiers proprement locales. Les autres ne faisaient que subir, au mieux, les dispositions réglementaires de prévention des risques côtiers provenant de l’État, par le biais des plans de prévention des risques ou du porter à connaissance (15 communes).

      La suppression des biens existants

      Si les communes n’anticipent pas la vulnérabilité des biens littoraux face à l’élévation du niveau marin, la question de la suppression des biens les plus exposés se posera assez rapidement. Un nouveau droit de préemption a été créé en 2021, que les communes pourront exercer lors de la vente ou de la donation d’un logement situé en zone exposée. De même, les communes pourront actionner le Fonds Barnier pour financer l’acquisition de biens menaçant gravement les vies

      humaines. En revanche, le Fonds Barnier ne peut pas intervenir dans le cas du recul du trait de côte. Quoi qu’il en soit, les conditions d’estimation de la valeur des biens à supprimer ont été redéfinies : le prix de rachat des biens devra désormais tenir compte de l’exposition du bien au recul du trait de côte et pourra faire l’objet d’un abattement ou d’une décote « pour tenir compte de la durée limitée restant à courir avant la disparition du bien ». Ainsi, en cas de mauvaise anticipation ou prévention des risques littoraux, les biens qui seront supprimés perdront largement de leur valeur. Cette conséquence est atténuée par l’information plus précoce des acquéreurs de biens menacés, qui a été légèrement améliorée par la loi de 2021.

      Il faut comprendre que la solidarité qui permettait de racheter les biens sinistrés ou menacés par le Fonds Barnier commence à trouver ses limites, dans le contexte d’accélération du changement climatique. En effet, c’est l’ensemble des Français qui paiera beaucoup plus cher pour alimenter la garantie CatNat (assurance catastrophe naturelle) et le Fonds Barnier. Le taux de la cotisation CatNat passera en effet, au 1er janvier 2025, de 12 à 20 % sur les contrats d'assurance habitation et de 6 à 9 % sur les contrats automobiles. Le coût collectif de la relocalisation, à défaut d’avoir été anticipé, n’a pas fini d’augmenter.

    3. La prise en compte du tourisme dans les PPRN : les exemples de Villeneuve-Loubet et Fréjus

      Dans le cadre de la politique de prévention des risques, le gouvernement a mis en place en 1997 les plans de prévention des risques naturels (PPRN). Ils réglementent l’urbanisation à l’échelle d’une ou plusieurs communes. Cet outil active également des mesures de gestion de crise (PCS : plan communal de sauvegarde) et d’information (DICRIM : document d’information communal sur les risques majeurs). Les PPRN sont réalisés par l’État (DREAL) et sont annexés au plan local d’urbanisme (PLU).

      Le zonage réglementaire (zones rouges, inconstructibles et bleues, constructibles sous conditions) des PPR peut varier d’un territoire à l’autre. En effet, il existe une grande diversité de modèles de calculs des aléas, d’enjeux socio-économiques et de sensibilité des acteurs locaux. Ainsi, des territoires très exposés aux aléas naturels et comprenant des enjeux touristiques importants auront une manière spécifique de concevoir les zones de risques. Ceci est possible grâce à un dispositif de concertation entre la phase de définition des zones à risque et la phase d’application de la réglementation. Cette concertation a lieu entre les représentants de l’État (qui définissent les zones d’aléas et d’enjeux, puis de risques) et les acteurs locaux (élus, ingénieurs, techniciens, habitants). Cette phase permet d'ajuster, d’affiner, voire de réinterroger, les propositions de zonage en fonction de la connaissance locale des aléas (phénomènes passés) et/ou de l’importance des enjeux.

      Le bon sens voudrait que la population touristique très vulnérable face aux risques naturels soit prise en compte. En effet, sa densité est parfois très élevée alors que ses connaissances du territoire visité sont limitées, voire nulles. Cette prise en compte peut se traduire par de l’information ciblée sur les risques, la sécurisation d’infrastructures d’accueil et d’accès (hôtels, routes, etc.), la décision de ne pas aménager certaines zones. Il faut également tenir compte de la saisonnalité des flux touristiques. Les campings font par exemple l’objet d’une attention particulière dans les PPR de territoires touristiques, car ils se situent souvent en zone rouge (bord de rivière agréable, mais inondable) et nécessitent donc une bonne organisation de la gestion de l’alerte et de la crise.

      Les plans de prévention du risque inondation (PPRI) de Villeneuve-Loubet et de Fréjus montrent deux approches opposées. Fréjus a programmé des aménagements adaptés pour l’évacuation d’urgence (voies dégagées, points hauts rapides d’accès, etc.). En effet, la commune a été marquée par une inondation en 2010 la motivant à réaliser ces travaux. En revanche, le Plan de prévention des risques d’incendies de forêts (PPRIF) de Villeneuve-Loubet ne contient aucun élément sur le tourisme alors que sa population estivale importante coïncide avec une période critique d’un point de vue du risque incendie.

      Au-delà de ces différences de prise en compte du tourisme dans les PPR et de la possibilité de réglementation des accès et infrastructures de prévention des aménagements touristiques, se pose la question de la sécurité des populations temporaires dont la culture du risque est bien souvent absente. Or cette population loge dans des habitations secondaires, des locations (gîtes, Airbnb, hôtels), pouvant se situer en zones rouges, très exposées aux aléas… Face à la modification du régime des aléas provoquée par le changement climatique, cette réflexion liée à l’intégration du tourisme dans les PPR et son système (PCS, DICRIM, etc.) devient urgente sur certains territoires.

    4. Quels enjeux de l'évolution de la saisonnalité du tourisme littoral ?

      Les espaces littoraux ont depuis longtemps une forte vocation touristique. En France métropolitaine, les communes littorales ne représentent que 4 % du territoire, mais concentrent 40 % des lits touristiques et environ un tiers des nuitées. La région Provence-Alpes-Côte d’Azur est un exemple emblématique de cette vocation touristique. Les quelques 700 km de littoral constituent, en raison des multiples pratiques touristiques qui le caractérisent (baignade, nautisme, visites de sites naturels, etc.), un espace touristique majeur à l’échelon national et international. La fréquentation touristique, comme d’ailleurs l’ensemble de l’activité touristique régionale, est encore caractérisée par une forte saisonnalité, qui s’explique par l’attractivité du climat méditerranéen pendant la saison estivale (cf. §1.1), et le rythme annuel des congés.

      Cependant, ces prochaines années et décennies, cette saisonnalité sera affectée par le changement climatique qui induira des évolutions de comportements ou des décalages temporels (saisonniers et horaires) des séjours des visiteurs, changements auxquels les territoires et les professionnels du tourisme seront contraints de s’adapter. Pour les espaces littoraux, ces évolutions impliquent une double dynamique déjà observée aujourd’hui, mais qui s’accentuera dans le futur. D’un côté, les effets du changement climatique (intensification des canicules, des épisodes de sècheresse et des risques d’incendie) produiront une intensification de la fréquentation des espaces littoraux en été par des visiteurs à la recherche d’une relative fraîcheur. Si la façade atlantique du pays sera probablement le grand bénéficiaire de cette attractivité accrue des espaces littoraux, cela n’implique pas nécessairement une perte d’attractivité du littoral de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur qui, au contraire, pourrait connaître une augmentation de sa fréquentation au détriment des pôles urbains ou de l’arrière-pays. Cependant, la nouvelle donnée climatique et la croissance de la compétitivité des littoraux d’autres régions obligeront les acteurs touristiques à des adaptations, afin de garantir le confort des visiteurs (végétalisation pour lutter contre la canicule par exemple), et à un renforcement des plans de gestion de crise en cas de problèmes majeurs. D'autre part, la hausse des températures pourrait favoriser la désaisonnalisation de l’activité touristique sur le littoral provençal et azuréen (Photo 9). Cette dynamique, qui contribuerait à lutter contre les phénomènes de surtourisme et bénéficierait économiquement aux acteurs touristiques, est déjà à l’œuvre dans plusieurs destinations.

      Néanmoins, les efforts actuels sont insuffisants. L’appui des organismes de gestion de destinations (décalage des promotions et des publicités, création et développement de produits touristiques dédiés) et un changement profond du business model des acteurs touristiques, pour développer une offre et des filières ouvertes à l’année, sont nécessaires.

      Zoom 2. Sensibiliser les touristes pour mettre en place des solutions écologiques

      Avec le changement climatique, les attentes et les besoins des touristes ont tendance à évoluer dans les espaces naturels. Face à ce constat, le Parc national des Calanques réfléchit à sa contribution en faveur d’une mutation du tourisme sur son territoire qui, en qualité d’espace naturel protégé, est propice à la mise en œuvre de solutions d’adaptation fondées sur la nature (SafN). L’un des objectifs est d’éduquer et d’accompagner les touristes pour acquérir des connaissances sur le changement climatique au niveau global et local, mais également de s’assurer de leur compréhension des enjeux liés au changement climatique dans le Parc et aux effets cumulés des pressions exercées par les différentes activités humaines. L’idée est in fine d’orienter les visiteurs vers des choix « éclairés » pour leurs futures escapades et des comportements adaptés en milieu naturel. En ce sens, MedPAN, le réseau des gestionnaires d’aires marines protégées (AMP) en Méditerranée, diffuse les initiatives et soutient le rôle moteur des AMP dans l’adaptation durable du tourisme au changement climatique en Méditerranée.

      Sensibiliser les visiteurs à l’évolution des aléas climatiques dans la région (hausse des températures, augmentation des vagues de chaleur, etc.) et à leurs impacts actuels ou à venir sur les écosystèmes marins et terrestres permet d’aborder le changement climatique à travers un cas concret et de leur faire prendre du recul. Cela se traduit aussi par un focus sur les actions à mettre en place par le Parc et ses partenaires associatifs, économiques ou institutionnels pour s’adapter et atténuer le changement climatique, sans oublier une réflexion sur le rôle individuel. Ainsi, le Parc national des Calanques commence à développer des outils pédagogiques sur le changement climatique, comme des plaquettes immergeables pour les usagers du milieu marin, des podcasts donnant la parole aux acteurs ou une exposition photo pédagogique utilisée lors des évènements (Photo 10).

    5. Quatre scénarios pour le tourisme côtier régional

      Pour atteindre la neutralité carbone et faire évoluer les pratiques, les acteurs du tourisme côtier régional doivent faire des choix stratégiques. Les actions durables des professionnels se multiplient et la responsabilité des visiteurs s’affirme, mais le tourisme reste un secteur économique encore fortement émetteur de GES. Pour inverser définitivement la tendance et se donner des perspectives désirables et réalistes, une démarche prospective a été engagée par le Plan Bleu, l’un des centres d’activités régionales du Plan d’action pour la Méditerranée (PAM) du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), avec le soutien financier de l’ADEME régionale et l’appui technique de GeographR, pour dessiner des évolutions contrastées du tourisme côtier, de la Camargue à la frontière italienne. Cette initiative s’inscrit dans un processus régional en Méditerranée avec l'exercice de prospective MED 205019. À travers un état des lieux et des récits prospectifs se basant sur les scénarios Transition(s) 2050 de l’ADEME, l’étude20 propose quatre chemins :

      - la génération frugale (S1, Figure 5a) : la « gourmandise de la simplicité » est privilégiée par les acteurs du tourisme. La sobriété énergétique et foncière, la préservation des ressources naturelles et des terres agricoles, la relocalisation des biens, services et personnes, l’usage des matériaux biosourcés, l’intermodalité du transport, la baisse drastique du trafic aérien, le nombre décroissant de résidences secondaires, la gestion partagée des risques (pénurie d’eau, incendie…), l’urbanisme responsable, le stockage de carbone dans la biomasse et les sols, la restauration collective des touristes intégrée aux projets alimentaires territoriaux, etc. façonnent le tourisme durable côtier ;

      - les coopérations territoriales (S2) : les « Artisans du mouvement coopératif » ont mis en place un schéma régional universel de transition écologique, qui fusionne tous les plans, schémas et lois, et facilite la gouvernance multi-échelles. Les actions se concentrent sur le transport (prise en charge des touristes dès leur arrivée, mise à disposition d’omnibus privatifs, régulation du trafic aérien…), la rénovation énergétique des hébergements touristiques et des sites d’accueil, l’électrification des quais portuaires, la désimperméabilisation des sols, la défiscalisation partielle des EnR, la relocalisation progressive des biens et personnes... La décarbonation des modes de production et de consommation et la concertation territoriale sont les priorités ; les technologies vertes (S3, Figure 5b) : les « Aventuriers verts » s’appuient sur les entreprises et les technologies vertes. Le nombre de nuitées touristiques et le trafic des aéroports croissent, les collectivités, avec l’appui des acteurs économiques, aménagent les villes côtières et protègent habitants et visiteurs des aléas climatiques. Des digues flottantes ou en béton sont installées pour protéger le littoral. Les biens et services menacés, situés en première ligne sur le littoral, sont reconstruits sur pilotis. Les solutions technologiques sont mises en œuvre grâce aux financements publics et privés. Les visiteurs viennent des quatre coins du monde en avion (carburant vert), bateau de croisière hydride… ; le pari réparateur (S4) : les « Bâtisseurs » ne veulent pas renoncer aux modes de vie d’aujourd’hui. La réduction des émissions de GES (décarbonation des transports, captage direct du CO2 , rénovation thermique des hébergements…) est encouragée, mais les autorités publiques laissent le temps aux acteurs du tourisme de faire évoluer leurs pratiques. Tout le littoral est protégé par une digue en béton et des villes partent à la conquête de la mer. Face à l’augmentation du nombre de touristes et de la demande énergétique, les EnR complètent le système de production nucléaire. Les touristes sont à l’abri des aléas climatiques : refuges, climatisation, ombrage et brumisation des rues, désalinisation de l’eau de mer, surélévation d’aéroport…

      Pour atteindre la neutralité carbone, la sobriété s’avère facilitatrice tout en réduisant les risques et les menaces. Le pari réparateur (S4) est le scénario le plus hasardeux car il provoquerait de graves impacts environnementaux sans commune mesure avec les S1 et S2 qui misent sur la soutenabilité. De manière générale, les scénarios technologiques (S3 et S4), qui ne remettent pas en cause (ou peu) nos modes de vie actuels, reposent partiellement sur des technologies aujourd’hui peu matures, en particulier S4, avec le captage du CO2 dans l’air, qui rend sa réalisation très risquée.

      Ces quatre scénarios, ne présentant pas les mêmes garanties pour atteindre la neutralité carbone, offrent une certaine vision du tourisme côtier en vue d’anticiper le futur, questionner l’ensemble des acteurs du tourisme et faciliter la mise en débats des politiques et stratégies touristiques, mais aussi territoriales, susceptibles d’accompagner la transition écologique.

  4. Le tourisme de montagne face au changement

    Le changement climatique remet en question tout le modèle économique du tourisme dans les Préalpes et Alpes du Sud. L’or blanc qui a revitalisé les vallées alpines en évitant leur dépeuplement et en dynamisant leur économie est aujourd’hui mis à mal dans des stations de ski situées en moyenne altitude qui souffrent déjà du manque de neige, malgré l’apport de la neige de culture. La préservation et la gestion des ressources naturelles (eau, forêt, biodiversité) et des agrosystèmes sont aussi en question ce qui rend plus incertain le tourisme à l’avenir, même si nos territoires de montagne ont des atouts pour réussir leurs transitions.

    1. Quelles sont les principales évolutions climatiques en montagne ?

      Pour mieux appréhender l’ampleur du changement climatique dans les Alpes du Sud, une sélection d’indicateurs précise les principales évolutions. Pour en savoir plus, se référer au cahier thématique du GREC-SUD intitulé Impacts du changement climatique et transition(s) dans les Alpes du Sud.

      Des températures déjà plus douces

      La tendance à la hausse de la température est nette dans les Alpes du Sud : à Embrun, par exemple, la température moyenne annuelle a augmenté de près de 1,9 °C depuis les années 1960 (+1,6 °C pour les minimales et +2,2 °C pour les maximales). En haute montagne, la hausse de la température moyenne annuelle est plus significative avec des anomalies positives supérieures ou égales à 2 °C. En montagne, comme en plaine, le réchauffement est plus marqué en été et plus modéré en hiver et en automne. La hausse de la température se traduit aussi par une évolution annuelle et saisonnière des phénomènes météorologiques :

      □ diminution du nombre de jours moyen de gel : à 1500 m d’altitude, le nombre de jours de gel dans les vallées sud-alpines était de l’ordre de 150 jours par an dans les années 1960, un peu moins de 130 jours actuellement. En haute altitude, le recul du gel est plus net : à Saint-Véran, à 2040 m d’altitude (commune la plus haute d’Europe), -40 jours de gel en moyenne sont constatés depuis 1960 ;

      □ multiplication du nombre de jours anormalement chauds et vagues de chaleur : le 28 juin 2019, la température a atteint 44,3 °C à Vinon-sur-Verdon et 38,4 °C à Embrun ;

      □ hausse significative du nombre de jours où la température dépasse 30 °C en vallée : au début des années 1960, la moyenne annuelle de jours où la température maximale dépassait ce seuil à Embrun était inférieure à 10 jours, alors qu’à partir des années 2000, les 20 jours, voire les 30 jours, sont dépassés (année record en 2003 avec 53 jours) ;

      □ augmentation de nuits tropicales (Château-Arnoux- Saint-Auban, par exemple).

      Vers une évolution du régime des précipitations

      Depuis 1959, l’évolution des précipitations dans les Alpes du Sud n’est pas spatialement homogène et les cumuls annuels sont surtout caractérisés par leur variabilité interannuelle. Globalement, les cumuls moyens annuels des précipitations stagnent ou baissent légèrement comme à Ceillac (Hautes-Alpes) ou Castellane (Alpes-de-Haute-Provence), mais les tendances saisonnières peuvent différer : légère augmentation des pluies estivales à Ceillac, par exemple, mais baisse dans les Préalpes du Sud. Il est ainsi difficile de généraliser les tendances observées à l’ensemble des territoires montagnards, notamment entre les Préalpes du Sud et les hautes vallées alpines, et même entre deux vallées sud-alpines voisines.

      Dans la région, les épisodes méditerranéens peuvent se déclencher en l’absence de relief et dans l’arrière-pays selon les conditions météorologiques, mais ils sont particulièrement intenses quand le littoral est bordé par une barrière montagneuse : le 2 octobre 2020, lors de la tempête Alex, le cumul de précipitations en 24 heures a dépassé 500 mm à Saint-Martin-Vésubie (Alpes-Maritimes) et même plus de 600 mm sur les hauts versants. Les Alpes du Sud plus intérieures peuvent aussi subir des événements pluvieux majeurs : le 13 juin 1957, plus de 200 mm de pluie se sont ajoutés aux cumuls des jours précédents dans la vallée du Guil provoquant des inondations catastrophiques (des crues plus récentes ont également provoqué des dégâts dans le Queyras), le 1er décembre 2023 à Risoul... Il est encore difficile d’anticiper les évolutions des précipitations extrêmes dans les Alpes du Sud, mais leur augmentation en fréquence et en intensité est probable à l’avenir.

      La quantité d’eau équivalente du manteau neigeux au 1er mai dans les Alpes du Sud a aussi évolué : encore élevée au début des années 1980, elle a nettement tendance à diminuer depuis. En moyenne, la réduction est de l’ordre de 20 % par décennie. Cela s’explique par la diminution de la part neigeuse dans les précipitations en hiver et au printemps, et par une fonte plus précoce qui se traduit par un décalage des régimes hydrologiques vers le début du printemps et une saison d’étiage estivale plus longue.

      En moyenne altitude (entre 1000 et 2000 m d’altitude), une diminution d’environ 20 cm de l’épaisseur moyenne de la couche neigeuse et d’un peu moins de 50 cm de la hauteur maximale de neige est constatée. Pour la durée de neige au sol, la perte est de 35 jours, soit plus d’un mois. Au-dessus de 2000 m d’altitude, l’impact est un peu moins sensible, avec 15 cm de perte en épaisseur moyenne et 45 cm en hauteur maximale, ce qui reste significatif. La durée de neige au sol a perdu 5 jours en haute altitude.

      Quelle évolution du climat dans les Alpes du Sud à l'avenir ?

      Ces trois prochaines décennies, les trajectoires climatiques mettent en évidence une augmentation de la température et une stabilité des cumuls annuels de précipitations. En cas de scénario pessimiste, en 2050, la hausse de la température dépasserait 2 °C par rapport à la période de référence 1976-2005. La remontée altitudinale des isothermes serait importante : en hiver, par exemple, la limite pluie-neige remonterait d’environ 500 m, ce qui compromettrait l’avenir du ski en dessous de 1800 m, voire 2000 m, d’altitude. Les précipitations continueront à être rythmées par la variabilité interannuelle du climat et l’évolution progressive des régimes pluviométriques saisonniers (Figure 6). Globalement, les précipitations hivernales auront probablement tendance à stagner ou légèrement augmenter (plus sous forme de pluie en basse et moyenne altitude), contrairement aux précipitations estivales qui diminueraient surtout en cas de scénario pessimiste.

      En été, l'extrême chaud de la température maximale gagnerait 1,8 à 2,5 °C. Dans les vallées alpines, les records de température maximale flirteraient avec les 33 °C à Saint-Véran. Dans l’Embrunais, les 40 °C seraient dépassés au bord du lac de Serre-Ponçon.

      De manière générale, au printemps, la date de reprise de la végétation serait partout plus précoce (phénologie des plantes modifiée), comme la date de la dernière gelée (attention toutefois au gel tardif). Et le risque incendie (notamment dans les Alpes-de-Haute-Provence : plus de combustible [dépérissement d’arbres], de chaleur et de sécheresse) augmenterait. Dans ce contexte de réchauffement, les glaciers des Alpes du Sud sont appelés à disparaître en dessous de 3500 m d’altitude et la fonte du pergélisol se poursuivra. Les avalanches se déclencheront en plus haute altitude qu’aujourd’hui, mais seront potentiellement plus destructrices (occurrence d'avalanche de neige lourde en hausse) ; les glissements de terrain seront favorisés par les pluies intenses et la chute de blocs par la fonte du pergélisol… Sans attendre le futur, le changement climatique en montagne a d’ores et déjà des impacts sur la biodiversité, l’agriculture, les forêts, les ressources en eau, les glaciers, l’enneigement, le tourisme, la santé, les infrastructures…

    2. Quels enjeux et perspectives pour les stations de sports d'hiver en tension ?

      La montagne touristique, structurée depuis plus d’un siècle par l’économie des sports d’hiver et l’activité des domaines skiables, activité météo-sensible par excellence, subit fortement les impacts du changement climatique. Parallèlement, la demande et l’évolution des attentes des touristes, sachant que moins de 10 % des Français partent en vacances au ski, constituent un facteur important de transformation des pratiques de loisirs et de tourisme : réduction du temps passé sur les skis, demandes d’activités neige hors ski ou de découverte du patrimoine culturel et/ou environnemental sont autant de tendances à prendre en compte dans l’offre proposée. La dynamique de l’hébergement touristique ou résidentiel représente un autre levier important de renouvellement des stations de montagne. Inadaptation des logements à l’évolution de la demande et au enjeux de transition énergétique, difficulté d’accès pour les locaux et les saisonniers ou encore processus de migrations d’agrément (lieux touristiques attirant de nouveaux habitants) sont autant de défis pour les territoires touristiques, inscrits dans un contexte politicoadministratif renouvelé, avec l’affirmation des communautés de communes ou l’émergence de nouveaux objectifs de sobriété dans la planification, à l’image du zéro artificialisation nette (ZAN)

      Dans ce contexte en tension, les stations, plus ou moins ancrées dans leur territoire support, ont engagé des stratégies d’adaptation, dès les années 1990, d’abord de manière progressive, ponctuelle, puis plus systématiquement, avec de possibles soutiens publics à partir des années 2000. L'analyse de ces stratégies d’adaptation au changement climatique dans le massif alpin invite à questionner les processus de gouvernance des territoires touristiques de montagne, et ce à plusieurs niveaux. La décision et la mise en œuvre de la production de neige de culture relèvent ainsi essentiellement du gestionnaire du domaine skiable. En pratique, les opérateurs, gestionnaires de remontées mécaniques, ont développé le travail de la neige et la production de neige artificielle pour garantir l’exploitation des domaines skiables, notamment aux moments clefs de la saison. Dans le cadre du contrat « Stations demain » porté par la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur (2016-2020), 75 % des subventions régionales et 56 % des opérations réalisées s’inscrivent dans cette logique de soutien au domaine skiable. Le modèle de développement est, au final, encore peu remis en cause, même si la prise de conscience progresse.

      Rares sont les exemples de réduction ou d’arrêt de l'exploitation, tels Métabief dans le Jura et Sankt Corona am Wechsel (Photo 11) en Autriche. Cette dernière, localisée en Basse-Autriche, à une heure de route de Vienne, s’est engagée, ces dernières années, dans une transition touristique. Avec un domaine skiable situé à 1000 m d’altitude, la station a été directement confrontée au changement climatique et ses impacts en termes d’enneigement. Aussi, dès 2013, une partie du parc de remontées mécaniques a été démantelée, avec un investissement fort dans le tourisme d’été. Plusieurs étapes ont été franchies, avec des aménagements pour le VTT et le vélo, mais également un travail sur l’attractivité pour la clientèle, notamment locale, et sa satisfaction.

      La mise en place de la diversification touristique suppose quant à elle de mobiliser un écosystème d’acteurs variés (acteurs touristiques mais également acteurs de la culture, de l’environnement…) et localisés dans un territoire plus vaste que la station, dépassant les limites communales et intercommunales. Ceci passe par l’élaboration d’une gouvernance territoriale ad hoc, à l’échelle de la destination, qui permet d’animer le territoire dans la durée et de réaliser les actions prévues, en leur donnant tout leur sens dans le projet de territoire et de son évolution. Dans cette perspective, depuis 2007, l’État et les Régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Auvergne-Rhône-Alpes accompagnent les stratégies de diversification et de transition des territoires de montagne dans le cadre du programme « Espaces valléens » (51 % des actions touristiques programmées sur la période 2014-2020 relèvent de la diversification). La 3ème génération de ces territoires de projets (2021- 2027) vise ainsi à soutenir l'adaptation au changement climatique, accélérer la diversification et favoriser la cohésion territoriale

      Cette question de la cohésion territoriale et de l’échelle de mise en œuvre de la transition des territoires touristiques est également présente dans la nouvelle génération des contrats stations lancée en 2022 par la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur (« Contrats Stations 2030 : un cap d’avance »). Celle-ci invite à un élargissement du périmètre de gestion et d’intervention (la destination touristique, la dynamique valléenne) et des acteurs associés au projet (gouvernance locale élargie, impliquant les habitants).

      Élargir l’échelle spatiale et le périmètre des acteurs impliqués dans le projet paraît plus largement nécessaire pour relever le défi de la transition énergétique des stations de montagne, les trois postes principaux d’émissions de gaz à effet de serre, en 2022, étant les transports (66 %), le logement et l’alimentation.

      Au-delà des dispositifs et de leur implémentation, c’est bien la vision future du territoire qui est en jeu : comment concevoir un projet touristique territorialisé dans un contexte de changement climatique ? Quelle démarche prospective à l’échelle du territoire ? Quelles cohérences entre les différentes stratégies d’adaptation au changement climatique : peut-on à la fois développer de la production de neige de culture et afficher la transition ? Quelles temporalités pour penser l’articulation des différentes stratégies portées par divers acteurs ? Penser la transition dans un territoire appelle l’élaboration d’une gouvernance spécifique.

      Info +

      Une étude récente a estimé l’empreinte carbone d’un skieur sur une journée : 48,9 kg eqCO2 (équivalent à 250 km en voiture). Ce chiffre inclut les déplacements jusqu’à la station et sur place, le chauffage des logements et de l’eau sanitaire, la multiplication des lieux de détente (piscine, sauna…), le travail des engins de damage…

    3. Evolution des pratiques de l'alpinisme et de la randonnée

      Le changement climatique agit comme un révélateur et un accélérateur de l’évolution de l’alpinisme depuis les années 1990. Il accentue les processus géomorphologiques et glaciologiques qui changent les caractéristiques des itinéraires, les rend plus dangereux et/ou plus difficiles techniquement ou sans intérêt d’un point de vue esthétique et technique pour un alpiniste. En conséquence, les périodes de bonnes conditions pour la pratique se décalent vers le printemps et l’automne. En été, les conditions sont plus aléatoires, notamment en raison des périodes caniculaires plus précoces, nombreuses et intenses. Il en résulte notamment un besoin d’investissement accru dans la pratique afin d’identifier les périodes et les itinéraires offrant de bonnes conditions. Les courses en neige, soit une bonne partie des itinéraires classiques d’ascension des sommets connus et très fréquentés du massif des Écrins comme les Agneaux (3664 m), la traversée du Dôme de Monêtier (3479 m) et le Dôme de neige des Écrins (4015 m), sont parmi les itinéraires les plus touchés, avec des mauvaises conditions de plus en plus tôt dans la saison (Photo 12). La détérioration des conditions affecte principalement les alpinistes débutants ou occasionnels et l’entrée dans la pratique. Elle pousse également une part des guides de haute montagne à diversifier leur activité en périphérie des massifs de montagne avec le canyoning, l’escalade, la via ferrata ou le VTT. En France, 56 % des guides estiment que le changement climatique entraîne une diminution de leur activité économique.

      Cette situation conjuguée à de nombreux changements sociétaux provoque une baisse de la fréquentation de la haute montagne par les alpinistes, et, par conséquent, des refuges qui en dépendent. Par exemple, le nombre de nuitées dans les refuges des Écrins et du glacier Blanc a diminué de 50 % depuis 1980. Des pistes de refondation culturelle et sportive de l’alpinisme peuvent toutefois se lire dans l’émergence de pratiques amateurs et professionnelles renouvelées, et de programmes comme les « itinérances en alpinisme » ou « villages d’alpinistes » portés de 2019 à 2022 par le Parc national des Écrins.

      La randonnée répond quant à elle à une forte demande sociale d’accès à la nature avec un large éventail de pratiques plus ou moins sportives. Le nombre de pratiquants a doublé entre 2010 et 2023. Cette forte augmentation concerne particulièrement la montagne qui propose des destinations recherchées pour leur fraîcheur, comme les lacs rendus baignables grâce à la hausse de la température jusqu’à plus de 2000 m d’altitude. Pour autant, la pratique de la randonnée est pénalisée par le risque croissant d’inconfort thermique inhérent aux canicules, et les risques d’incendie liés aux sécheresses récurrentes menacent l’accès aux espaces forestiers. Dans le même temps, l’approvisionnement en eau des refuges est soumis à de fortes tensions et incertitudes. Comme l’alpinisme, la randonnée est affectée par une instabilité météorologique fréquente et une altération généralisée des paysages montagnards : glaciers disparus, lacs et torrents asséchés et forêts décimées bousculent un imaginaire fondé sur l’abondance des neiges éternelles, de l’eau et de la végétation.

      Face à ces profonds changements, les solutions envisageables relèvent en priorité de la transmission d’une culture du plein air et d’une « intelligence climatique » via des démarches d’information et de formation du public, y compris à des fins de prévention des risques. À l’échelle des territoires, il s’agit d’accompagner le passage d’un « régime d’attractivité à un régime d’habitabilité », qui implique de traiter un ensemble de questions environnementales, culturelles et sociales, y compris, si nécessaire, en termes de régulation des fréquentations. Il semble aussi indispensable de renforcer les dispositifs d’observation des pratiques et des métiers sur le terrain, comme les « Refuges sentinelles ».

      Zoom 3. La prise en compte du tourisme dans les stratégies territoriales pour la prévention des risques en montagne

      Les territoires de montagne, particulièrement touchés par les aléas naturels et leur évolution en lien avec le changement climatique, ont depuis peu la possibilité de mettre en place une stratégie territoriale pour la prévention des risques en montagne (STePRiM), leur permettant une gestion préventive des risques « sur mesure », en adéquation avec les enjeux socio-économiques locaux. Dans une démarche multipartenariale, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ou tout autre groupement de collectivités sont en mesure de répondre aux appels à projets STePRiM lancés par le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires (2017, 2019, 2023), donnant accès à des financements dédiés. Si ces appels à projets pointent bien du doigt la modification des aléas liée au changement climatique, ils abordent peu les enjeux autour du tourisme. Toutefois, dans leur application concrète, les STePRiM intègrent bien la thématique touristique, mais dans une mesure qui peut varier en fonction de l’importance de l’activité touristique, des risques présents, des phénomènes marquants et de la frilosité des acteurs locaux. Ainsi, leSTePRiM de la CARF (Communauté d'agglomération de la Riviera Française), territoire marqué par la tempête Alex, prévoit des actions très précises en matière de culture du risque en développant une signalétique intégrant des images d’archives, des témoignages et des données chiffrées, en créant des sentiers d’interprétation sur les risques naturels ou encore en proposant un escape game dédié aux risques. Ces actions sont bien identifiables et montrent aux touristes ce qu’engendrent les aléas naturels sur leur lieu de séjour. En revanche, le projet de STePRiM du Briançonnais apparaît plus frileux. Certes, il présente les multiples problématiques du tourisme face aux risques et les prend en compte dans ses actions en enrichissant des bases de données géographiques (aléas, unités touristiques nouvelles, hôtels, flux, etc.), mais à des fins de gestion de l’urgence (coupure de route, optimisation de l’alerte et de la gestion de crise) et de prévention structurelle (travaux de protection de l’urbanisation). Le volet sur le développement de la conscience des risques naturels se montre bien plus flou. En effet, le territoire est conscient que cela est nécessaire, mais son engagement nuancé est discutable : « il est nécessaire de transmettre certains messages par rapport aux risques naturels en montagne. Néanmoins, il est très important d’adapter le discours à communiquer sans rendre l’information anxiogène »

    4. Quel devenir des activités aquatiques en montagne ?

      Les activités aquatiques, qu’elles se pratiquent sur ou dans l’eau, constituent une ressource touristique importante pour les destinations estivales. Si le changement climatique provoque, comme le suggèrent les récentes études de fréquentation touristique publiées par Atout France, l'Agence de développement touristique de la France, et ADN tourisme ( atout france ), une réorganisation spatio-temporelle du tourisme avec des flux estivaux vers la montagne et des flux hivernaux vers la mer, elles deviendraient un atout encore plus stratégique pour les territoires montagnards. Les travaux sur l’adaptation du tourisme de montagne portant sur les activités aquatiques sont moins nombreux que sur l’alpinisme ou les sports d’hiver, mais ils suggèrent que le changement climatique représenterait une opportunité pour certaines destinations alpines, en particulier lacustres (cf. §3.3).

      Les activités aquatiques qui se déploient dans les Alpes du sud (sports d’eaux vives, sports nautiques sur les grands lacs de retenue, baignade dans les gorges et les lacs) ne sont pas nouvelles : elles s’inscrivent dans le renouvellement des pratiques sportives à l’œuvre depuis les années 1970 et dans le développement des sports de nature à partir des années 2000. Le changement climatique tend à les rendre plus attractives, au même titre que les espaces qui en sont le support, car ces derniers constituent des îlots de fraîcheur précieux dans un contexte d’augmentation des températures et de multiplication des canicules. Mais, dans le même temps, les espaces aquatiques se trouvent soumis à de nombreux changements comme la baisse des apports en eau et la réduction des débits, qui peuvent aller jusqu’à l’assèchement complet (assecs) de certains cours d’eau. Sur le territoire régional, les prévisions relatives à la ressource en eau restent très incertaines, mais s’accordent sur l’augmentation de l’intensité et de la durée de la sécheresse estivale. Ces phénomènes mettent en péril les espèces aquatiques, mais également les pratiques récréatives, comme l’a montré la sécheresse de l’été 2022 durant lequel le niveau du lac de Serre-Ponçon est resté plus de 20 m en-deçà de sa cote optimale, contrariant la mise à l’eau des embarcations. Les lacs de retenue à vocations multiples sont en effet particulièrement vulnérables au changement climatique (Photo 13), du fait de la concomitance en été de l’étiage et de la période de plus forts prélèvements (irrigation à l’aval dans le cas de Serre-Ponçon). Au cours de l'été 2022, dans les gorges du Verdon, la baisse drastique des débits a fortement limité la pratique des sports d’eaux vives (rafting, canyoning…) qui a même été interdite localement, conduisant à un recul brutal de l’activité touristique. Les baisses de revenus occasionnées menacent l’équilibre économique du secteur. Les pratiques récréatives qui se maintiennent ont de lourdes conséquences écologiques en période de forte vulnérabilité des milieux et des espèces. C’est le cas des sports d’eaux vives, dans des milieux déjà fragilisés par la baisse des débits et l’augmentation de la température de l’eau, mais également de la très forte fréquentation de certains lacs d’altitude, comme le lac d’Allos au cœur du Parc national du Mercantour, où les gestionnaires tentent de limiter les nuisances associées à la pratique croissante du bivouac.

      Le devenir des activités aquatiques sera conditionné par un délicat équilibre à trouver entre un environnement vulnérable aux changements climatiques et écologiques, des tensions entre usages de la ressource en eau et un besoin de fraîcheur accru.

      Photo 13. Le bas niveau du lac de Serre-Ponçon en juillet 2022 après 10 mois de sécheresse marquée (© Lauren Mosdale).

      Zoom 4. Le développement de l’agriculture de montagne pour favoriser l’attractivité touristique : l’exemple du Parc naturel régional du Verdon

      Au cœur des massifs montagneux du Parc naturel régional du Verdon qui atteignent près de 2000 m d’altitude, l’activité pastorale se maintient avec 180 éleveurs, évoluant sur 83 000 ha, soit 43 % du territoire, dédiés au pâturage extensif. Les différentes pratiques d’élevage, particulièrement celles des ovins et caprins, contribuent à modeler les paysages qui représentent autant de points d’intérêt pour les touristes. L’évolution du milieu naturel tend à la fermeture des paysages, mais l’entretien des parcours et des prairies par le pâturage, la fauche et le débroussaillage permet de maintenir leur ouverture (Photo 14) en préservant la biodiversité locale, dont les espèces spécifiques, comme le Criquet hérisson. Cette ouverture facilite le déplacement des différentes espèces et leur installation, et renforce également l’attractivité touristique (points de vue, observation de la faune et flore, itinérances, découverte des terroirs…).

      Les massifs du Parc préservés des plus fortes chaleurs sont d’autant plus plébiscités que les lacs du Verdon, supports de l’activité traditionnelle balnéaire et nautique, sont potentiellement exposés à des sécheresses à répétition renforcées par l’évolution à la baisse du manteau neigeux d’altitude. Ces espaces montagneux de repli potentiel de la fréquentation deviennent un enjeu de diversification des activités. Orientés principalement sur l’offre de randonnée, mais bientôt rattrapés par de nouvelles pratiques de mobilités plus ou moins douces, les flux touristiques en montagne s’intensifient au fil des années. Même si les paysages ouverts assurent une meilleure diffusion de ces flux, les situations de conflits d’usage sont en progression. Sur certaines zones, il devient nécessaire de renforcer la médiation et la sensibilisation des visiteurs pour les inciter à choisir des parcours à l’écart des troupeaux et éviter une pression de plus sur le pastoralisme.

      À travers l’évolution du climat et des crises sociétales, les paysages de montagne sont aujourd’hui bousculés, mais ils peuvent devenir des lieux d’expérimentation et d’adaptation contribuant à renouveler la relation de l’homme à la nature dans une approche bénéfique y compris pour l’offre touristique du territoire.

  5. Le tourisme des territoires ruraux face au changement climatique

    À mi-chemin entre la mer et la montagne, les espaces ruraux de notre région attirent de nombreux touristes même
    si les affluences et flux ne sont souvent pas comparables à ceux du littoral. Le tourisme rural a la particularité de
    proposer une philosophie et une offre d’activités différentes alliant détente, repos, sport, authenticité, découverte du
    patrimoine, dégustation de produits du terroir, bien-être, points d’eau pour se rafraîchir… La moindre fréquentation
    est à relativiser car si les touristes sont répartis sur de vastes territoires, la renommée des sites remarquables génère des pics de fréquentation à certaines périodes de l’année qui nécessitent des modalités d’accueil spécifiques
    et des aménagements. Face au changement climatique, le tourisme rural est confronté à de nouvelles contraintes.

    1. Quels loisirs dans les espaces ruraux pour limiter l’empreinte carbone ?

      Les chiffres dévoilés au printemps 2021, lors des Rencontres du tourisme durable, témoignent de la volonté des touristes de se diriger vers des pratiques plus durables : 61 % des Français se disent davantage préoccupés par la préservation de la nature et de l’environnement depuis la pandémie Covid-19 et aspirent à adopter de nouvelles pratiques et habitudes pour réduire leur empreinte carbone durant leurs vacances. Les espaces ruraux concentrent un tiers des séjours des Français et l’équivalent de leurs nuitées, et correspondent à une réelle demande des visiteurs, en particulier des publics citadins.

      Certains espaces ruraux, grâce aux réseaux de gestionnaires d’espaces naturels ou aux sites patrimoniaux, comme les parcs nationaux ou les parcs naturels régionaux, promeuvent désormais un tourisme durable et responsable. En concertation avec les acteurs locaux privés et publics, des aménagements et des services les rendent accessibles en excluant l’usage de la voiture, avec des modes de transports publics, des navettes spécifiques, des réseaux cyclables et voies vertes… Dans le Parc naturel régional du Luberon, depuis 25 ans, l’association Vélo Loisir Provence a réalisé un important travail de structuration des itinéraires à vélo (tours du Luberon ou des Ocres, Pays de Forcalquier Montagne de Lure, Gordes, Pays d’Aigues, Véloroute du Calavon) à destination des visiteurs et des habitants. Un espace VTT Provence Luberon Lure labélisé FFC (Fédération française de cyclisme) a été créé en 2020 regroupant 63 circuits balisés et 2 grandes itinérances (L’Alpes-Provence et la Grande Traversée de Vaucluse).

      La randonnée constitue un loisir largement plébiscité par les touristes avec un réseau d’itinéraires de promenade et de randonnée (PDIPR) dans le Luberon de plus de 3000 km, composé de 8 GR et 3 GR de Pays. Les itinéraires équestres représentent plus de 500 km, comptent une vingtaine de circuits identifiés et 2 grandes itinérances. La pratique de l’itinérance à pied, à vélo ou à cheval favorise les modes de déplacement doux des visiteurs ce qui permet d’agir contre la pollution atmosphérique (rejets de polluants très limités) et le réchauffement climatique (moins d’émissions de GES). L’escalade, les sports nautiques et d’eaux vives complètent une offre touristique dans les espaces ruraux peu émettrice de GES et adaptée aux enjeux de préservation de l’environnement, de la biodiversité et des paysages. Cependant, une pratique non maîtrisée des activités de pleine nature est potentiellement source d’impacts écologiques significatifs et nécessite une régulation de la fréquentation touristique de certains sites emblématiques (calanques, ocres, gorges du Verdon, par exemple). L’objectif est d’accompagner le développement raisonné des loisirs et sports de nature dans les espaces ruraux, en privilégiant la création, l'entretien et la qualité des équipements structurants de loisirs supportables à long terme sur le plan écologique et d’assurer leur promotion tout en sensibilisant les pratiquants.

      Un réseau de professionnels du tourisme bénéficiant de la marque Valeurs Parc naturel régional (Photo 18) et Esprit parc national encourage les visiteurs à adopter des comportements vertueux en matière d’économies d’énergie, de consommation d’eau pour réduire l’impact carbone et assurer la transition écologique (dont énergétique) des territoires.

      Info+

      La Métropole Aix-Marseille-Provence disposera d’un nouveau schéma métropolitain d’organisation et de développement du tourisme au cours de l’été 2024. La volonté affichée est d’engager les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), avec ses partenaires, dans une démarche de développement durable et de valoriser tous ses territoires, dont les espaces ruraux, grâce à une mise en avant de leurs atouts et une meilleure répartition géographique des touristes (assortie d’une régulation des flux) tout au long de l’année. L’expérience de vivre le territoire comme les habitants (qui deviendraient les premiers hôtes) serait proposée aux visiteurs.

    2. Le développement du slow tourisme dans les territoires ruraux

      Le slow tourisme est un mouvement qui privilégie la découverte en profondeur d’un territoire et de ses acteurs, à un rythme lent. Pour certains publics, il offre une alternative à l’accumulation de visites et activités, et à la consommation passive souvent associées au tourisme de masse.

      La crise de la Covid-19 a initié une certaine relocalisation des séjours touristiques, comme la crise écologique qui devient une interrogation prégnante même en temps de vacances. Donner un sens à ces dernières, ralentir, apprendre, contribuer à la vie locale ou encore expérimenter des pratiques alternatives souvent transposables à la vie quotidienne (transports doux, pratiques sensorielles, corporelles et alimentaires…) sont autant de motivations pour les amateurs du slow tourisme. Du côté des territoires et des professionnels, cette forme de tourisme est une approche séduisante car elle offre une « vraie » rencontre avec les visiteurs, valorise les savoir-faire et les patrimoines tant humains que naturels, lors de séjours souvent plus longs et à forte valeur ajoutée. Pour les territoires ruraux et de montagne, le slow tourisme est aussi un moyen de répondre aux enjeux climatiques et environnementaux, alors que le tourisme de masse est actuellement décrié et mis à l'épreuve de l’adaptation, de l’atténuation et de la diversification.

      L’immersion est souvent un maître-mot pour les adeptes du slow tourisme. Elle peut se traduire par des activités décalées qui mettent les participants à contribution grâce aux sciences participatives ou à travers une « épreuve » consentie et mesurée, comme dormir dans un refuge ou en bivouac. Ce type d’expérience mêlant sobriété, partage (Photo 16) et acquisition de compétences et d’autonomie change le regard posé par le visiteur sur le territoire et la nature. L’immersion permet de dépasser la « nature-décor » et d’acculturer en profondeur les visiteurs aux réalités locales, répondant ainsi aux reproches souvent adressés par les habitants au tourisme de masse ou exclusivement sportif.

      Pour éviter les écueils du tourisme de masse, il est nécessaire d’évaluer collectivement les impacts des séjours touristiques proposés (quid de la multiplication des bivouacs par exemple ?), d’échanger et de collaborer afin que les retombées économiques sur le territoire rural soient optimales sur le long terme.

      Zoom 5. L’agritourisme, entre diversification des activités agricoles et tourisme à échelle humaine

      L’agritourisme (ou agrotourisme) concerne les activités et la vente directe à la ferme, et les séjours immersifs dans les exploitations agricoles. Son principal intérêt est de permettre la visite des fermes, la rencontre avec les agriculteurs et éleveurs, la découverte de métiers parfois ancestraux, les modes de vie ruraux, les savoir-faire, les spécialités culinaires, les traditions et cultures locales, etc., et de favoriser les circuits (très) courts qui réduisent les émissions de GES. Cette pratique, bénéficiant d’aides financières régionales, nationales et européennes, grandit, mais elle est encore très minoritaire dans les exploitations agricoles.

      Bienvenue à la ferme, marque des chambres d’agriculture, et Accueil paysan, association valorisant l’agriculture paysanne, sont les deux principaux réseaux nationaux qui orientent les touristes vers les sites d’accueil pour, par exemple, déguster et acheter des produits du terroir (fruits et légumes [Photo 17], huile d’olive, vin…) ou apprendre à fabriquer du fromage. Les fermes accueillent principalement des familles, des classes scolaires, mais aussi les curieux qui recherchent un tourisme alternatif, loin des sites surfréquentés.

      Cette forme de tourisme offre, dans une majorité des cas, des tarifs raisonnables et procure jusqu’à la moitié des revenus des agriculteurs, à condition que ces derniers respectent la règlementation (accès handicapés, hygiène alimentaire…).

      Cette diversification des activités pour les exploitants agricoles joue un rôle social et économique essentiel dans les territoires ruraux, et contribue souvent à la protection de l’environnement (agriculture biologique par exemple). Dans la région, les acteurs de l’agritourisme peuvent bénéficier de la marque Valeurs Parc naturel régional qui promeut les pratiques durables dans les parcs naturels régionaux.

      Photo 17. Potager d’une ferme proposant un gîte (© Olives en Provence).

    3. Les principales vulnérabilités du tourisme rural face au changement climatique

      Le tourisme rural présente des vulnérabilités climatiques qui conduisent à une évolution générale des pratiques. Pour compléter les éléments suivants, se référer aux cahiers du GREC-SUD.

      Des conditions climatiques plus contraignantes

      Depuis 1960, l’évolution rapide du climat dans les espaces ruraux présente des caractéristiques similaires à celles du littoral et de la montagne. Dans le parc naturel régional du Luberon, par exemple, le nombre de jours anormalement chauds a bondi de 8 à plus de 70 jours en moyenne par an à Apt, entre la fin des années 1960 et aujourd’hui. Les vagues de chaleur, quasi absentes avant les années 1980, se multiplient ces dernières années avec plus de 22 vagues de chaleur en moyenne par an. Les pics de chaleur peuvent dépasser 40 °C (à Cabrières d’Avignon, 43,2°C le 28 juin 2019), ce qui accentue les îlots de chaleur urbains, même dans les villages du Parc. Pour les cumuls de précipitations, les tendances générales sont contrastées selon les saisons : -30 % en hiver, +10 à +20 % au printemps, -45 à -20 % en été, +10 à +20 % en automne. De manière générale, la diminution des précipitations en été se traduit par une fragilisation de la ressource en eau avec une augmentation du nombre de jours de débit faible ou d’assecs (absence d’eau) des cours d’eau et de basses eaux des nappes phréatiques se rechargeant difficilement. L’accès à l’eau potable est même remis en question l’été dans certaines communes du Var, par exemple. L’eutrophisation des écosystèmes aquatiques (lacs, étangs, rivières…), le dépérissement des forêts et le renforcement du risque incendie (le nombre de jours de fermeture des massifs forestiers a tendance à augmenter) sont aussi des réalités. L’agriculture est sous tension avec des conflits d’usages, le gel tardif à répétition (perte de récoltes), la difficile adaptation des cultures… L’urbanisation des espaces ruraux accentue aussi leur vulnérabilité (risque d’inondation renforcé).

      D’ici 2050, ces phénomènes s’aggraveront, quel que soit le scénario socio-économique du GIEC. Le changement climatique peut provoquer à terme une mutation des paysages ruraux et de leur identité si appréciée par les touristes, une aggravation des risques sanitaires (malaises, hospitalisations, surmortalité…) avec des températures maximales en été susceptibles de dépasser 47 °C en cas de scénario pessimiste, une moindre capacité des sols agricoles et forestiers et de la biomasse à séquestrer du carbone, un accroissement du nombre d’espèces invasives pouvant perturber la faune et la flore, les chaînes alimentaires... L’artificialisation des sols (constructions de bâtiments, d’infrastructures routières, etc.) des espaces ruraux, grignotés par la périurbanisation et l’accueil de néoruraux attirés par les paysages agricoles et naturels, questionnent aussi les usages récréatifs et touristiques. Et la ressource en eau devient une source de tensions entre agriculteurs, entrepreneurs, acteurs de l’énergie, industriels, habitants et professionnels du tourisme.

      Une évolution des pratiques touristiques dans les espaces ruraux

      Longtemps un atout, le climat pourrait devenir un handicap dans les espaces ruraux régionaux. En France, le réchauffement climatique pourrait en effet orienter les flux touristiques vers la mer Méditerranée, l’océan Atlantique ou la Manche pour les amateurs de baignade et de fraîcheur ou en montagne (altitude, forêts, cours d’eau…), même si les contraintes climatiques affecteront, à des degrés divers, tous les territoires. En été, les touristes français et internationaux, dont la clientèle âgée plus vulnérable, pourraient choisir des destinations situées au nord de l’Europe ou dans l’hémisphère Sud pour des raisons de bien-être et de santé, ce qui renforcerait les émissions de GES si les modes de transport n’évoluent pas ou peu.


      Dans les espaces ruraux, en saison estivale, les contraintes climatiques feront évoluer la pratique des activités sportives de plein air (vélo, escalade, randonnée, trail…). Les guides, par exemple, programment déjà des randonnées pédestres en tout début de journée ou en soirée pour garantir le confort thermique des touristes. Les épisodes de sècheresse limiteront la pratique des sports nautiques (canoé, canyoning…), l’utilisation des plans d’eau et des lacs pour la baignade et les jeux aquatiques. La multiplication des évènements extrêmes (feux de forêts, sécheresses, épisodes méditerranéens, glissements de terrain…) et/ ou la répétition de conditions climatiques défavorables (stress hydrique chronique ponctué de brefs épisodes de pluie par exemple) restreindraient, voire empêcheraient, certaines activités touristiques (balades en forêt par exemple, Photo 15), parfois sur de longues périodes, gêneraient l’approvisionnement de sites, et pourraient favoriser la destruction d’infrastructures (routes, hébergements…). Dans ces conditions, le tourisme dans les espaces ruraux centré sur la période estivale pourrait devenir une source de tensions. Hors été, la situation serait bien plus propice avec des flux touristiques qui se concentreraient sur les ailes de saison (avril-juin, septembre-novembre), à condition d’adapter l’offre à cette nouvelle clientèle.

      Le secteur du tourisme doit inventer de nouveaux modèles en misant sur l’adaptation et l’atténuation dans les domaines suivants : le transport, la rénovation thermique des logements touristiques, la ressource en eau, la biodiversité, les incendies, l’agriculture, l’alimentation et le développement des énergies renouvelables.

  6. L'attractivité touristique de nos villes dans un contexte de changement climatique

    Le tourisme urbain est bénéfique à l’économie locale et régionale, mais il est sensible aux aléas climatiques méditerranéens. La chaleur estivale, même sans excès, limite les activités de loisirs et peut même représenter un danger pour les touristes. Les évènements extrêmes (canicules, pluies intenses, sécheresses…) ont de forts impacts sur la vie en ville, qui rendent encore plus complexe la gestion des espaces urbains et périurbains, et des services associés : régulation des flux de personnes et de marchandises pour éviter la surcharge des réseaux, saturation du foncier, distribution et partage de l’eau potable surtout en périodes de sécheresse, demande croissante d’énergie, investissements lourds dans les infrastructures, évacuation des eaux usées, traitement des déchets… Après un bref rappel des principaux enjeux climatiques en ville, ce chapitre met en avant des solutions pour limiter les effets négatifs du changement climatique.

    1. Quels impacts du changement climatique en milieux urbains

      Dans un contexte de changement climatique, l’activité touristique en milieux urbains rend nécessaire la prise en compte des risques encourus par les visiteurs et de leur vulnérabilité, afin d’assurer leur protection et sécurité et de maintenir l’attractivité des villes de la région. Ces dernières sont confrontées à de fortes contraintes climatiques et environnementales, mais aussi de fortes dépendances vis-à-vis des territoires ruraux et montagnards.

      Des îlots de chaleur urbains inquiétants

      L’une des principales incidences du réchauffement climatique en milieu urbain est le renforcement des îlots de chaleur urbains (ICU) et des zones de surchauffe urbaine qui se traduisent par des écarts de température significatifs entre les zones denses artificialisées, périurbaines et rurales, surtout en fin de nuit. Ce phénomène est observé dans les villes de toute taille, avec des écarts thermiques de 3-4 °C et plus entre le cœur des pôles urbains et les secteurs périphériques. Un ICU présente des températures non homogènes, avec des zones de chaleur (principalement) et de relative fraîcheur, en fonction de l’environnement urbain et de sa configuration (densité des bâtiments, nature des sols, présence ou non de végétation, circulation ou stagnation de l’air…). En journée, sous l’effet du rayonnement solaire et de la chaleur ambiante, l’évapotranspiration des plantes et l’évaporation des surfaces en eau limitent la hausse de la température diurne, mais les matériaux de surface (routes, toits, façades…) stockent la chaleur avant de la restituer lentement la nuit. Les ICU renforcent l’inconfort thermique des habitants et des touristes, de jour comme de nuit, aggravent le risque de nuit tropicale surtout sur le littoral et en plaine (Figure 8), et peuvent provoquer des déshydratations, malaises ou hospitalisations, une surmortalité, et même altérer la santé mentale. L'exposition prolongée à la chaleur peut aussi causer un dysfonctionnement des organes. Les épisodes caniculaires de l’été 2022 en Provence-Alpes-Côte d’Azur, par exemple, ont engendré une surmortalité de 19 %, soit 316 décès, majoritairement des personnes âgées très sensibles à la chaleur. Les enfants en bas âge, les femmes enceintes, les populations précaires et les personnes porteuses de maladies chroniques sont également particulièrement sensibles aux fortes chaleurs répétées. D’ici 2050, avec la hausse de la température, hors villes au bord de la mer, les pics de chaleur pourraient atteindre 50 °C en cas de scénario pessimiste.

      Une pollution de l’air en baisse, mais encore préoccupante

      Dans notre région, malgré la baisse générale de la pollution de l’air, les villes restent exposées à un cocktail nocif de polluants atmosphériques (oxydes d’azote, particules fines en suspension, ozone troposphérique…) provenant surtout du secteur du transport, de l’industrie et du résidentiel. L’enjeu sanitaire est de taille car plus de 3 habitants sur 5 résident dans une zone où les concentrations dépassent les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour les PM2.5 (particules fines d’un diamètre inférieur à 2,5 micromètres) et que 4 habitants sur 5 vivent dans un secteur dépassant la valeur cible pour l’ozone (polluant secondaire). Les touristes qui séjournent dans notre région n’échappent pas à cette mauvaise qualité de l’air qui peut s’avérer ponctuelle ou permanente durant leur séjour. Pour l’ozone, le risque est particulièrement présent en été car le rayonnement solaire et les chaleurs sont intenses. En ville, les concentrations élevées d’oxydes d’azote avaient tendance à détruire l’ozone, mais la réduction de ce polluant dans l’air ambiant limite ce mécanisme. De plus, le changement climatique devrait contribuer au maintien de la pollution à l’ozone à l’avenir, du printemps à l’automne. Sur le court terme, l’exposition à une mauvaise qualité de l’air peut engendrer des problèmes respiratoires et des troubles cardiovasculaires. Les jeunes enfants et nourrissons, dont le système respiratoire est encore en développement, sont plus propices au développement de troubles ORL et bronchiques. Les touristes n’échappent pas à la mauvaise qualité de l’air.

      Un risque infectieux en hausse

      À l’instar des températures, le risque infectieux est en augmentation dans la région ce qui a un impact négatif sur l’attractivité du territoire. Les visiteurs de passage y sont particulièrement vulnérables, s’ils ne sont pas informés. Deux espèces de tiques Ixodes ricinus et Hyalomma marginatum présentent des risques dans notre région : la première est responsable de la transmission de la maladie de Lyme (cf. §2.1), ou borréliose de Lyme, pouvant provoquer des symptômes invalidants, et du virus de l’encéphalite à tique, et la seconde, porteuse du virus de la fièvre hémorragique de Crimée Congo, maladie pouvant entraîner rapidement la mort si elle n’est pas soignée à temps, a commencé à coloniser nos territoires (parcs urbains par exemple). Le moustique tigre, Aedes albopictus, vecteur des virus chikungunya, de la dengue et Zika, est quant à lui présent dans toute la région, à l'exception des zones de montagne, et actif de mai à octobre. Le réchauffement climatique pourrait faciliter son expansion latitudinale et altitudinale, accélérer son cycle de développement et augmenter sa période d’activité au cours de l’année. Depuis 2006, 9 foyers ou épisodes de transmission autochtones sont survenus dans la région : 7 de dengue et 2 de chikungunya. En 2019, pour la première fois en France, un foyer du virus tropical Zika a été confirmé par les autorités sanitaires, avec 3 cas autochtones identifiés à Hyères dans le Var à l’automne. Rappelons que le tourisme a une part importante dans la dissémination de ces maladies (100 cas de dengue importés dans la région en 2020).

      Des aléas climatiques à surveiller

      Certains aléas climatiques, comme les épisodes méditerranéens ou les incendies, menacent aussi les villes. L’augmentation potentielle de la fréquence et l’intensité des pluies intenses d’ici 2050, accentuée par l’artificialisation des sols (malgré l’objectif de zéro artificialisation nette des sols en 2050), fait peser sur les villes un risque d’inondations et/ou de ruissellement torrentiel des eaux potentiellement destructeur. Les villes littorales et de Provence sont régulièrement touchées, mais tous les pôles urbains de la région sont concernés. Une prévention accrue est recommandée pour limiter les risques, protéger les habitants et les touristes qui n’ont souvent pas les bons réflexes faute de sensibilisation suffisante, renforcer la solidité des infrastructures… Le développement des systèmes d’alerte est aussi indispensable pour protéger les personnes et faciliter l’intervention des services de secours.

      Les villes de la région ne sont pas non plus à l’abri des incendies avec la construction de résidences (touristiques ou non), le développement d’activités, loisirs et services dans les espaces arborés ou forestiers. Avec la répétition des sécheresses et des vagues de chaleur, les conditions seront propices au déclenchement de feux, et même de feux extrêmes pouvant menacer des quartiers urbains aujourd’hui vulnérables.

      Une forte dépendance des espaces urbains

      Ces risques s’assortissent d’une forte dépendance des villes vis-à-vis des autres territoires. Sur la question de la ressource en eau, par exemple, elles sont très dépendantes des cours d’eau (Durance, Verdon, Vésubie…) qui prennent naissance dans les Alpes du Sud. La nappe phréatique de la Crau, alimentée par les pluies, mais surtout l’eau de la Durance via les canaux d’irrigation, fournit de l’eau potable à 270 000 habitants, réparties sur 15 communes, dont des villes comme Salon-de-Provence. L’eau potable de Marseille provient également de la Durance. En cas de sécheresses sévères, avec la demande croissante des usagers (dont les touristes), l’accès à l’eau pourra s’avérer difficile, voire temporairement impossible. La vulnérabilité est d’autant plus grande quand la ressource en eau est fragile et non sécurisée comme c’est le cas actuellement dans certaines petites communes du Var. Le changement climatique aggravera les problèmes de sécurisation de l’eau (tous usages) ces prochaines décennies, particulièrement en été, mais des pénuries seront possibles en toute saison en fonction de la quantité et de la qualité de la ressource en eau disponible et des modes de gestion de l’eau. La gouvernance et le partage de la ressource joueront un rôle majeur.

    2. Des solutions fondées sur la nature pour favoriser le confort thermique et la biodiversité

      En 2014, Atout France publiait dans sa collection « Rendez-vous en ville », collection dédiée au tourisme urbain, un cahier dédié à la valorisation de la nature en ville comme vecteur de bien-être et d’innovation touristique. Celui-ci mettait en avant l’ensemble des services rendus par la nature, consacrant plusieurs chapitres aux attentes des clientèles et aux stratégies à définir pour renouveler et dynamiser l’offre de la ville à découvrir sous l’angle du tourisme. Cependant, le déploiement des solutions d’adaptation fondées sur la nature (SafN) ne s’adresse pas qu’aux touristes. Ces aménagements doivent également être conçus pour les résidents et les usagers du quotidien, premiers bénéficiaires des services rendus par la nature et gardiens de leur pérennité.

      Des projets portent des enjeux de sécurité climatique

      • la promenade du Paillon à Nice (parc urbain de 6
        hectares installé sur dalle) et son extension de 8
        hectares (Photo 19)
      • la création d’un parc naturel urbain à Aix-en-Provence (ceinture verte reliant les parcs de la ville) en lien avec le travail réalisé sur la préservation de l’existant dans le cadre de la charte de l’arbre urbain de la ville,
      • la création d’une coulée verte comestible à Avignon...

      Pour ces projets et ceux d’envergure plus modeste, mais tout aussi précieux, comme l’aménagement de la plage du centre-ville à Saint-Chamas, la renaturation d’un boulevard urbain à Miramas, de la Cagne et du parc des Canebiers à Cagnes-sur-Mer, et des berges de l’Huveaune dans le parc de la Confluence à Auriol, ou encore la création du parc des Aygalades à Marseille, la rénovation du jardin Charles Gaou à Brignoles,
      les enjeux sont multiples :

      la préservation ou la restauration d’écosystèmes urbains (désimperméabilisation des sols, végétalisation,alignements d’arbres…),

      □ la réduction des effets du changement climatique
      grâce aux services écosystémiques (captation du CO2, épuration de l’eau, régulation du climat, diminution de la température de l’air ambiant et des surfaces, pollinisation…),

      □ les bénéfices pour la biodiversité (diversification et amélioration des effectifs des espèces…).

      Les SafN, visant notamment à développer la présence du végétal dans les milieux anthropisés, offrent des avantages qui s’additionnent aux effets positifs engendrés par les aménagements urbains favorisant la circulation de l’air dans les villes, le choix de matériaux à faible inertie thermique…
      La prise en compte des besoins du végétal et des conditions garantissant son développement doit être intégrée le plus en amont possible aux réflexions, en évitant toute maladaptation: choix de végétaux locaux adaptés aux conditions climatiques, aux contraintes du milieu urbanisé et à la disponibilité de la ressource en eau, qualité du sol et des fosses de plantations, gestion des pentes afin de favoriser un apport en eau naturel, entretien raisonné, réduction de la pollution lumineuse…
      Les modalités de gestion doivent également être définies en amont, politique de végétalisation ne rimant pas forcément avec explosion des moyens d’entretien et d’arrosage grâce à la mise en place d’outils de gestion différenciée des espaces verts…

      À ce titre, plusieurs outils développés en région et au niveau national sont à citer :

      □ l’outil d’aide à la décision « Plus fraîche ma ville », développé par l’ADEME, permettant de tester des bouquets de solutions ;

      □ les guides Plantons local et Aménager nos villes et villages avec l’eau et la nature, une opportunité face au changement climatique en Provence-Alpes-Côte d’Azur de l’ARBE, présentant des idées d’aménagements incluant l’eau et la nature, mais également des végétaux locaux adaptés au climat méditerranéen ou alpin, qui favorisent la biodiversité ;


      la banque d’initiatives exemplaires mettant en avant des projets à toutes les échelles et sur tous les territoires ;

      les outils développés dans le cadre des projets Life ARTISAN et Nature For City LIFE ;

      le Centre de ressources pour l’adaptation au changement climatique

      Info+

      La biodiversité offre des solutions « sans regret » et apporte des co-bénéfices : un platane dans une cour peut apporter un rafraîchissement d’au moins 3-4 °C ; un arbre mature évapore jusqu’à 450 litres d’eau par jour, soit l’équivalent du rafraîchissement produit par 5 climatiseurs fonctionnant 20 heures par jour (source : Agence d'urbanisme et de développement des régions nîmoise et alésienne).

      Zoom 6. La stratégie touristique 2022-2030 d'Avignon

      Pour répondre aux défis environnementaux, sociétaux et économiques, la Ville d’Avignon a élaboré une stratégie touristique 2022-2030, qui a mobilisé en amont professionnels du tourisme, institutions et citoyens. L’objectif de la concertation était d’établir un diagnostic local et d’engager une démarche prospective pour répondre aux enjeux de la transition touristique, en ouvrant de nouvelles perspectives.
      La volonté partagée est d’améliorer « la qualité de l’accueil, l’hospitalité et l’éthique, les équipements et services, l’aménagement urbain et les mobilités », tout en réaffirmant les valeurs environnementales jusqu’ici insuffisantes, afin de tendre vers un tourisme plus responsable et durable. Pour mettre en œuvre cette stratégie, une série d’actions ont été définies (sélection d’actions ou sous-actions) :

      □ inciter les professionnels du tourisme à davantage s’approvisionner en produits locaux,

      □ déployer des infrastructures cyclables sécurisées,

      □ sensibiliser les professionnels et touristes aux écogestes,

      □ respecter une charte d’engagement éco-festival « zéro déchet plastique »,

      □ fédérer un réseau de professionnels pour favoriser le partage d’expériences et mutualiser les bonnes pratiques en matière de tourisme durable,

      □ diffuser aux habitants et touristes la cartographie des zones de surchauffe urbaine,

      □ mise en place de procédures exceptionnelles d’attente et d’accueil pour protéger les visiteurs (contre les fortes chaleurs par exemple), en favorisant si possible les solutions fondées sur la nature : végétalisation, renaturation, ombrage, systèmes d’alerte…,

      □ création d’une balade ludique permettant de découvrir la biodiversité dans les parcs et jardins de la ville…

      Cette stratégie touristique, présentée par la maire lors du dernier Forum régional du tourisme en décembre 2023, a le mérite d’être engagée et d’aller dans le bon sens. D’ici 2030, pour atteindre les objectifs affichés, en adéquation avec les initiatives locales engagées (Plan local pour le climat, désimperméabilisation et renaturation des abords des remparts [Photo 20], atlas de la biodiversité du Grand Avignon…) et le SRADDET, la Ville d’Avignon a établi un calendrier à respecter. L’échéance 2030 n’étant qu’une étape pour tendre vers la neutralité carbone en 2050, il est nécessaire de consolider cette stratégie touristique à moyen et long termes et relever ses ambitions, en dépassant les logiques électorales et en travaillant sur son acceptabilité collective.

    3. Quels aménagements pour limiter le risque inondation et protéger les infrastructures ?

      Les principales villes de la région, notamment celles situées sur l’arc méditerranéen, sont potentiellement concernées par des aléas de débordement de cours d’eau ou de ruissellement. Ce dernier phénomène se traduit par des écoulements diffus en dehors de cours d’eau pérennes. En milieu urbain, le ruissellement est provoqué par les eaux qui ne peuvent pas être évacuées par le réseau pluvial lors de violents orages (Cannes en 2015 par exemple). Les projections climatiques prévoient une augmentation potentielle de la fréquence et de l’intensité des évènements pluvieux extrêmes (pluviométrie très forte sur un court laps de temps) sur le territoire régional.
      Trois départements de la région (Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône et Vaucluse) comptent entre 50 et 75 % de leurs hébergements touristiques marchands en zones inondables. Les touristes constituent par ailleurs une population particulièrement vulnérable vis-à vis de ces événements climatiques extrêmes du fait de leur manque de culture locale du risque, et de la barrière de la langue dans les actions de communication ou d’alerte.
      La prise en compte des risques dans le développement ou la modernisation des infrastructures touristiques tend à se développer. Les principes d’aménagement reposent sur plusieurs leviers :

      □ réduire le phénomène à la source en privilégiant les espaces naturels et procéder à la désimperméabilisation et la renaturation des sols (augmentation de la part des eaux infiltrées par rapport à celles ruisselées) ;

      □ faciliter et organiser les axes d’écoulement dans l’espace public et les espaces investis par les nouvelles installations touristiques, avec, à la clé, la réalisation d’un schéma de gestion des eaux pluviales ;

      □ diminuer les conséquences en réduisant la vulnérabilité des installations (batardeaux par exemple) ;

      □ adapter la gestion de crise avec la mise en place d’un dispositif d’anticipation adapté (par exemple, par la mise en place de procédures de limitation de l’accès aux sites touristiques en fonction des conditions météorologiques et hydrologiques).

      Les diagnostics peuvent conduire à la relocalisation de certains biens ou la mise en place d’ouvrages de protection. Les solutions fondées sur la nature, plus résilientes vis-à-vis du changement climatique, sont à privilégier (cf. §5.2). Pour les cours d’eau, il s’agit, par exemple, de la renaturation et de la libération d’un espace de mobilité des cours d’eau, ce qui améliore leur « divagation ». Ces projets peuvent être couplés à des aménagements touristiques et de loisirs (voies vertes, espaces publics, panneaux d’information multi-langues sur le risque, etc.).
      À titre d’illustration, le renforcement des quais d’Arles (Photo 21), réalisé entre 2008 et 2015, constitue une opération visant à concilier protection des biens et requalification d’espaces à vocation touristique (la ville bénéficie d’une double inscription sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO). L’endiguement du Rhône en traversée d’Arles a conduit à une augmentation des vitesses de courant pour un même débit, entraînant l’érosion des matériaux et une incision du lit, avec pour conséquence la création d’une fosse menaçant de déchaussement les fondations des quais pour certains datant de l’époque romaine. Dans le cadre du programme de sécurisation des lieux densément habités du Plan Rhône sous la maîtrise d’ouvrage du SYMADREM, les opérations de réparation et de réfection ont permis une amélioration du niveau de protection des zones urbaines d’Arles face aux crues et aux débordements de cours d’eau. Ces travaux structurants sont complémentaires aux actions de surveillance et d’alerte de la population qui définissent par exemple un plan de circulation dans la zone urbaine d’Arles en cas d’atteinte de seuils de débits du Rhône et la fermeture des accès aux quais avec la mise en place de batardeaux.

      Interview I. Avenir de la baignade _ Laurent ARCUSET, gérant, GéoSystème

      1. De manière générale, avec la répétition des sécheresses qui affectent les ressources en eau de surface et souterraines, la baignade estivale sera-t-elle encore possible à l’avenir dans les rivières et les lacs naturels ou artificiels de la région ?

      Oui, la baignade sera toujours possible, mais il est évident qu’elle sera de plus en plus contrainte dans les rivières et les lacs, avec la multiplication des interdictions, comme cela a déjà été le cas sur les plages du lac de Serre-Ponçon. En même temps, l’inconfort thermique, associé à la hausse de la température de l’air, augmente les besoins en baignade des habitants, tous territoires confondus, et des visiteurs. Pour répondre partiellement à la demande qui ne cesse de croître, il existe plusieurs solutions :

      □ les piscines individuelles privées,

      □ les piscines collectives ou parcs aquatiques (publics ou privés),

      □ les baignades en sites naturels aujourd’hui très majoritairement non autorisées.

      L’augmentation du nombre de piscinespose aujourd’hui une sérieuse question d’impact environnemental lié à leur construction et surtout à leur entretien (alimentation électrique, remplissage et renouvellement de l’eau, désinfection de l’eau à l’aide de chlore essentiellement). Les normes et les recommandations publiques sont très peu favorables aux piscines écologiques (traitement par électrolyse, aux UV, à l’ozone…) et aux bassins de baignade naturels. Par « principe de précaution », l’administration publique française, à travers l’Agence régionale de santé, recommande des entretiens classiques dans son guide de bonnes pratiques et les professionnels du tourisme préfèrent suivre ses conseils par peur d’une fermeture de leur piscine.

      2. Pour rafraîchir les habitants et les touristes en été, quelles options sont envisageables pour assurer des espaces de baignade de qualité et sécurisés, y compris dans les espaces urbains ?

      Aborder en premier lieu la question de la qualité et de la sécurité des lieux de baignade n’est pas forcément un bon réflexe car elle confirme la prégnance de ces critères sur tous les autres, les décideurs s’abritant derrière eux pour interdire la baignade dans les fleuves, rivières et lacs. À ces critères s’ajoutent les impacts de la baignade sur la faune et la flore des espaces aquatiques, mais aussi les enjeux de partage de la ressource entre les différentes activités (agricoles, industrielles, énergétiques), sachant que les activités de loisirs sont rarement prioritaires car elles ne sont jamais associées à des besoins physiologiques et de bien-être (la chaleur jouant négativement sur le sommeil, l’humeur, les traitements médicaux…).

      Les besoins de rafraîchissement sont naturels et salutaires. S’ils ne peuvent pas être résolus par la baignade, ils devront l’être par d’autres moyens souvent consommateurs d’énergie, comme la climatisation. Pourtant, il existe des ressources en eau abondantes si nous considérons les principaux cours d’eau (Rhône par exemple) ou canaux comme des lieux de baignade potentiels. Autrefois, cela était le cas grâce à un système de pontons flottants. D’autres pays, comme la Suisse, n’hésitent pas : baignade dans le Rhône à Genève, dans le Rhin à Bâle. En France, les progrès sont lents, mais ils existent, y compris à Paris, dans le canal Saint-Martin, sans oublier la promesse de se baigner dans la Seine dès l’été 2024 (les Jeux olympiques ont accéléré la volonté politique). Les fleuves, leurs anciennes gravières, leurs lônes (anciens lits), leurs canaux latéraux offrent très probablement des opportunités qu’il devient indispensable d’étudier. La région doit rejoindre le mouvement international qui tend à revaloriser les fleuves et les rivières urbains en tant que ressources, en considérant que l’accès à la baignade, pour les visiteurs et les habitants, n’est pas une problématique secondaire et que cela représente une bonne adaptation au réchauffement climatique.

  7. Quelles pistes pour réinventer le tourisme ?

    La transition écologique est une opportunité pour le tourisme régional aujourd’hui confronté à ses contradictions
    et au défi du changement climatique. Les acteurs des territoires sont appelés à réinventer leurs offres touristiques pour protéger les habitants et les visiteurs, les professionnels du secteur, le climat, la biodiversité, les ressources naturelles, et proposer de nouvelles expériences aux touristes. Les pistes d’adaptation et d’atténuation ne
    manquent pas. Une sélection d’entre elles et des expériences favorisant leur mise en œuvre sont déclinées dans
    ce dernier chapitre.

    1. Repenser le transport des visiteurs tout au long de leur parcours

      Compte tenu de la provenance des touristes (cf. §1.1), le transport décarboné est l’un des leviers les plus prometteurs pour réduire les émissions de GES et autres polluants atmosphériques, et engager la transition énergétique dans la région. Cette dernière possède une offre multimodale performante en matière d’infrastructures et de services de transport longue distance, qui, au regard de l’afflux touristique, doit faire face à de nombreux défis :

      □ un réseau routier et autoroutier, de près de 50 000 km dense et maillé, confronté à une saturation des réseaux en période de pics touristiques ;

      □ un réseau ferroviaire de plus de 1300 km, avec près de 200 gares (Photo 23), réparties sur l’ensemble du territoire régional, très fréquentées en juillet et août ;

      □ 7 aéroports, dont 2 de dimension internationale (Nice Côte d’Azur et Marseille-Provence) qui sont les plus fréquentés en France après les aéroports parisiens ;

      □ les ports de Marseille, Toulon et Nice, destinations de choix pour les touristes en provenance de Corse, du Maghreb, ou pour les croisiéristes…

      organiser une offre multimodale la plus vertueuse possible : train, bus, covoiturage… Il est nécessaire d’avoir une offre fiable et robuste permettant de rejoindre la région ;

      □ disposer d’infrastructures permettant de déployer cette offre, avec la création de voies dédiées (voies réservées aux transports collectifs, voies de covoiturage) et l’aménagement des aires de stationnement et de covoiturage ou encore l’organisation de pôles d’échanges multimodaux (PEM) permettant un accès simplifié à l’offre de transport ;

      □ accompagner la population dans le choix de ses déplacements : réflexion à mener sur la pertinence d’une tarification indexée sur les émissions de GES et polluants. Il est aussi nécessaire de revoir le rapport au temps et donc à la vitesse de nos déplacements.

      Chaque moyen de transport offre ses avantages en termes de commodité, de flexibilité et de possibilités de découverte de la région. Mettre en place les mesures énoncées, combinées à la sobriété énergétique, une sensibilisation continue et à la participation active des acteurs du tourisme, des autorités locales et des touristes eux-mêmes, peut contribuer à réduire l’empreinte carbone des transports sur le territoire. De nombreuses études sont réalisées par l’État et la Région Sud pour déterminer les potentialités de décarbonation et de limitation de nos déplacements. Divers appels à projets et appels à manifestation d’intérêts préparent le terrain en permettant aux différents territoires d’expérimenter des solutions décarbonées de transports (modes actifs, transports collectifs, véhicules électriques…).

      Zoom 7. La question du transport lors d'un séjour au ski : l'exemple de Serre-Chevalier

      Créé en 1941, le domaine skiable de Serre-Chevalier est le plus grand des Alpes du Sud avec plus de 250 km de pistes de ski alpin. La station haute-alpine doit aujourd’hui concilier la gestion de la forte fréquentation touristique et le déploiement d’actions en faveur de la transition écologique. La quantité et la qualité de l’enneigement et la désaisonnalisation des activités représentent de forts enjeux pour le devenir de la station, mais la question du transport, secteur fortement émetteur de GES lors d’un séjour au ski (cf. info +, §3.2), conduit les acteurs locaux à promouvoir des modes de déplacement bas carbone pour se rendre à la station, se déplacer autour du lieu de résidence, mais aussi rejoindre les pistes.
      L’accès à la vallée est tout d’abord facilité par le train et le bus : liaisons directes depuis Paris (train de nuit) et Marseille, combinaisons train/bus depuis Grenoble et Lyon. Le réseau de transport, développé par l’ensemble des acteurs locaux et régionaux (Communauté de communes du Briançonnais, communes de la vallée, Région Sud…), propose aussi des mesures incitatives permettant aux habitants et aux touristes d’utiliser des modes de déplacements collectifs « propres », alternatives à l’utilisation du véhicule individuel :

      □ des systèmes de transfert via des bus et navettes (navettes blanches du réseau régional ZOU par exemple) depuis les gares TGV d’Aix-en-Provence ou Oulx en Italie,
      □ des liaisons express entre les remontées mécaniques du domaine et les hameaux de la vallée entre 6h30 et 23h00 avec, en complément, la mise à disposition dans plusieurs hameaux d’un service gratuit de « navettes villages » reliant les remontées mécaniques aux lieux fréquentés par les skieurs (résidences, espaces de loisirs…),
      □ la mise en place depuis 2018 d’une navette hybride dans la vallée à destination des locaux et des vacanciers réduisant de 65 % des émissions de GES et de particules fines,
      □ l’utilisation d’un biogazole (XTL37) dans le réseau de transport en commun Altigo (réseau de transport public local) qui est progressivement introduit depuis septembre 2023 afin de réduire les émissions de GES,
      □ la mise en service dès 1989 de la télécabine du Prorel qui permet de relier la ville de Briançon, située à 1200 m d’altitude, aux pistes du domaine skiable.Hors mesures liées au transport, les actions menées en faveur de l’adaptation du domaine skiable aux différents enjeux de la transition écologique se concentrent sur la restauration des écosystèmes, la production d’énergie (énergies renouvelables, dont hydroélectricité), l’atteinte du zéro artificialisation nette d’ici 2025.

    2. Quelle production énergétique pour répondre aux besoins des touristes demain ?

      L’empreinte carbone de l’activité touristique actuelle provient pour plus de 95 % des émissions de GES générées par l’utilisation d’énergies fossiles, en particulier pour le transport des touristes et leur hébergement. L’enjeu principal, dans un objectif de neutralité carbone, consiste à développer l’utilisation de sources et vecteurs d’énergie bas carbone adaptés aux besoins spécifiques de l’activité touristique, et ce de manière combinée avec la mise en œuvre de démarches de sobriété et d’efficacité énergétique.

      Pour ce qui est du transport aérien, l’enjeu principal, en dehors de la question de la sobriété, réside dans l’utilisation accrue de carburants non fossiles dits "Sustainable Aviation Fuels" (SAF), biocarburants ou électro-carburants synthétisés à partir d’hydrogène et de CO2 soustrait à l’émission atmosphérique. Compte tenu de la présence dans la région de deux grands aéroports (Marseille-Provence et Nice), d’installations et de compétences industrielles sur la zone de Fos Marseille, le territoire pourrait jouer un rôle important dans le développement, qui suscite de vifs débats en France et en Europe, de la filière française de production de SAF. La situation est similaire concernant le transport maritime lourd (bateaux de croisière et ferries) avec un choix de carburants liquides alternatifs (et équipements et infrastructures associés) non stabilisé à ce jour entre méthane, méthanol, ammoniac, voire hydrogène pur d’origine non fossile, et l’enjeu de l’électrification à quai pour éviter les émissions de GES, mais aussi de polluants atmosphériques lors des escales.

      Le transport maritime léger pour le tourisme côtier (navettes vers les différentes îles par exemple) représente également un enjeu spécifique pour lequel un certain nombre de navires à propulsion électrique à batterie et/ ou pile à combustible à hydrogène sont en train d’apparaître pour répondre aux différents besoins touristiques (navires pouvant transporter quelques passagers ou plusieurs centaines si besoin). Concernant la mobilité terrestre, l’objectif est de faciliter le report modal vers des moyens de déplacement à moindre empreinte carbone (cf. §6.1), et de basculer vers des motorisations bas carbone, notamment les véhicules électriques à batterie et/ou hydrogène ou à gaz non fossile (bioGNV).

      La réduction de l’empreinte carbone des hébergements touristiques (marchands, non marchands et locations saisonnières) repose sur plusieurs aspects :

      la réduction des émissions induites par la construction des infrastructures, avec des opportunités régionales pour l’utilisation de matériaux bas carbone (bois, terre, etc.) ;

      □ la rénovation énergétique des bâtiments (isolation thermique, gestion optimisée des consommations, valorisation des chaleurs fatales, etc.) et le recours à des conceptions innovantes bioclimatiques permettant d’anticiper la nécessaire adaptation au changement climatique ;

      □ la conversion vers des moyens de chauffage (et si nécessaire climatisation) bas carbone, plus particulièrement les pompes à chaleur, y compris géothermiques (si possible), avec une opportunité spécifique d’utiliser la thalassothermie dans la région.

      Afin de répondre à ces différents besoins, la région a un potentiel encore largement inexploité de production d’énergie solaire thermique et photovoltaïque, et les infrastructures touristiques représentent un potentiel important pour augmenter le parc installé, en tirant avantage des réductions majeures de coûts des différentes technologies associés et des nouvelles possibilités ouvertes par les évolutions de la réglementation, surtout par l’autoconsommation individuelle et collective.

      Ces productions d’énergie au niveau local doivent aussi être mises à profit pour décarboner un certain nombre d’activités touristiques, en particulier dans le domaine de l’événementiel et des loisirs (suppression des groupes électrogènes à combustible fossile).

    3. La gestion de la fréquentation touristique dans le Parc national des Calanques

      Le Parc national des Calanques couvre un territoire de 52 000 ha (cœur terrestre : 8500 ha ; cœur marin : 43 500 ha) au sein même de la Métropole Aix Marseille-Provence qui compte 1,8 million d’habitants. Espace de respiration pour les populations urbaines, la part des visiteurs locaux est prépondérante (environ 70 %). Il s’agit d’une véritable interface entre ville et nature car près de 200 accès au territoire sont dénombrés. Sa fréquentation s’étire sur toute l’année, sans réelle période creuse. Des pics de fréquentation ont déjà été constatés en été sur certains sites, comme dans les calanques de Sormiou, Sugiton et En-Vau (Photo 24), avec près de 2500 et 4000 visiteurs par jour pour les deux dernières. La multiplicité des pratiques dans le Parc, pas toujours compatibles avec sa fragilité, génère des conflits d’usages.

      Classiquement, le Parc mobilise et utilise des outils de gestion, tels qu’un suivi de sa fréquentation qui reste complexe à appréhender ou la mise en place d’aménagements (balisage, aménagement des sentiers, mise en défens) qui canalisent les flux et protègent les espaces naturels les plus sensibles. Des outils plus innovants, visant le recul de l’accès en véhicules motorisés, l’encadrement des activités de sport de nature et de plaisance (règlementation de la plaisance et du kayak) et une communication qualifiée de « démarketing », sont développés. L’objectif du démarketing est avant tout de privilégier une communication sincère montrant le décalage entre la réalité et l’image de carte postale véhiculée par les médias. Elle renseigne aussi sur l’expérience sur site à laquelle sera confronté le touriste en cas de forte fréquentation. Le territoire a déjà atteint un seuil qualifié de situation d’hyperfréquentation, notamment à la sortie des confinements de la Covid-19. Dans ce contexte, le Parc a réagi en mobilisant un outil expérimental : le contingentement. Le choix du site de la calanque de Sugiton s’est imposé vu son accessibilité facile, sa situation de très forte érosion des sols et la destruction de ses habitats naturels. Le projet « Réserver, c’est préserver » conduit sur la calanque de Sugiton (cf. §1.2) l’été 2022 a constitué un réel challenge de mise en œuvre pour l’équipe du Parc. Ses objectifs étaient à la fois de préserver le milieu naturel soumis à une très forte érosion des sols et de la flore, d’améliorer la qualité de l’expérience avec un réel espace disponible par visiteur et une ambiance de quiétude permettant de renouer avec le caractère exceptionnel du Parc. L’expérience a porté sur 45 jours en juin, juillet et août sur une zone qui a été règlementée H24. L’accès au site étant conditionné à l’obtention d’un permis de visite gratuit avec une jauge fixée à 400 personnes jour

      Le plan de communication anticipé et décliné en amont des accès au site, ainsi que l’application de réservation développée par TROOV, ont été des leviers de réussite du dispositif. L’accueil sur site depuis Luminy s’est opéré en deux temps : des points d’information et de sensibilisation, voire de réorientation sur d’autres sites, puis des points de filtrage assurés par une société de sécurité professionnelle. Plébiscitée par le public (conditions de visite de qualité retrouvées), l’expérimentation a permis de freiner l’érosion galopante du site. Les premiers suivis scientifiques permettent de déceler des indices encourageants concernant la reprise de la végétation dans les zones très dégradées. Néanmoins, l’évaluation de l’efficacité de la mesure sur la régénération des milieux naturels ne peut s’apprécier que sur plusieurs années. Le conseil d’administration a ainsi décidé d’inscrire la mesure sur une durée de 5 ans (2023-2027). Les perspectives d’amélioration du dispositif reposent principalement sur une extension de la durée de sa mise en place sur la période estivale (70 jours en 2023) et une adaptation du système de réservation pour libérer des places disponibles en cas de désistement.

      Zoom 8. La régulation de l’hyperfréquentation estivale dans le Parc national de Port-Cros

      L’île de Porquerolles accueille plus d’un million de visiteurs par an avec des pics de fréquentation de 12 000 visiteurs par jour en période estivale, affectant à la fois l’environnement et la qualité de visite. En 2021, la ville de Hyères, la Métropole Toulon Provence Méditerranée et le Parc national de Port-Cros ont conjointement mis en place un ensemble de mesures et de dispositifs pour réguler les transports acheminant les visiteurs sur l’île. Cette démarche s’appuie sur un nouveau contrat de délégation de service public de transports maritimes et une charte signée par les principaux bateliers privés desservant l’île. L’objectif de 6000 visiteurs par jour a été fixé collectivement d’après les résultats d’une enquête de satisfaction menée par le Parc national de Port-Cros.

      Le bilan de cette gestion raisonnée, concertée et des dispositifs associés a été positif : l’objectif de fréquentation a été atteint. En effet, la fréquentation de la TLV-TVM (Photo 25), délégataire du transport vers les îles, a baissé de 14 % permettant le respect de la jauge de fréquentation. La mise en place d’un dispositif de réservation en ligne a permis de mieux anticiper les pressions de fréquentation sur la destination et une meilleure diffusion des publics dans le temps. De plus, les opérateurs incitent fortement les usagers à utiliser les transports en commun pour se rendre aux embarcadères (+20 % de fréquentation de la ligne 67 du Réseau Mistral) dont le coût est pris en charge par la Métropole dans le cadre du billet combiné bus + bateau bus TLV-TVM (10 000 voitures évitées sur la presqu’île de Giens). En parallèle, un arrêté municipal interdit l'échouage (beachage) des bateaux sur les plages et une zone de mouillage et d’équipements légers (ZMEL) dans les eaux de Porquerolles a été créée. Fort de ce succès, le dispositif de régulation de la fréquentation sera prochainement renforcé par des mesures complémentaires.

    4. Quelle gestion de l’immobilier des résidences secondaires pour accompagner les transitions ?

      La région Provence-Alpes-Côte d’Azur compte plus d’un demi-million de résidences secondaires (540 000 en 2016, Insee), soit 17,7 % des logements, près du double du taux national, dont le rythme de croissance est devenu plus rapide que celui des résidences principales. La conversion de logements loués à l’année en locations touristiques de courte durée, découlant du succès récent des plateformes de locations touristiques entre particuliers, a alimenté cette croissance en zones urbaines où le taux de résidences secondaires, initialement plutôt bas (Grand Avignon, Aix-en-Provence, Marseille, Gap), augmente dorénavant plus rapidement qu’ailleurs et pèse sur le marché locatif et le prix des loyers. Les confinements causés par la Covid-19 et le télétravail ont renforcé ce phénomène. Ces résidences secondaires sont avant tout littorales. Dans les stations de sport d’hiver, leur part peut dépasser 80 %. Issues de la phase de développement des stations littorales ou de montagne, deux tiers d’entre elles sont des logements collectif (50 % des studios, T1 ou T2). Elles sont plutôt anciennes, construites pour moitié avant 1975. Globalement plus aisés que les résidents à l’année, leurs propriétaires viennent souvent d’assez loin, en particulier sur le littoral : un quart d’étrangers et des propriétaires français habitant majoritairement hors région dans le Var et les Alpes-Maritimes.

      La critique vis-à-vis de ces résidences secondaires a d’abord été socio-économique : □ leur contribution à la flambée des prix de l’immobilier (essentiellement dans les stations littorales) complique l’accès au logement pour les ménages modestes et les oblige à vivre dans l’arrière-pays ; □ leur coût pour la collectivité, dans la mesure où les logements sont fermés une grande partie de l’année (syndrome des « volets clos », surtout en montagne), est mis en balance avec leur contribution saisonnière à l’activité économique locale. Des mesures contraignantes ont été suggérées (« statut de résident » par exemple) ou mises en œuvre, comme la surtaxe d’habitation sur les résidences secondaires appliquée par 77 communes (2018) dans la région, principalement dans le Var et les Alpes-Maritimes. Mais elles se heurtent à la diversité des situations locales et des stratégies municipales (inciter à la location touristique des résidences secondaires ou les transformer en résidences principales ?), et leur efficacité s’avère à ce jour insuffisante pour enrayer le phénomène. Plus récemment, le coût carbone des déplacements entre résidences principales et secondaires a été souligné, mais ces déplacements sont-ils si différents des mobilités touristiques et de loisirs en général, sauf si leur fréquence et le partage du temps (équilibré) entre les deux lieux de vie permet de parler de « multirésidences » ? La mobilisation des ressources matérielles et énergétiques pour un ménage, occasionnée par l’occupation et l’entretien de deux logements (ou plus) dont l’un est sous-occupé (6 semaines par an en moyenne), est aussi avancée. Sont relevées également les consommations pour les ménages qui n’ont pas trouvé de logement au prix du marché immobilier local, contraints de faire construire du neuf loin de la zone touristique, avec les migrations pendulaires que cela implique en bonus. À cela s’ajoutent, dans la région, la vétusté et le mauvais état d’une large partie du parc immobilier (isolation thermique). Les résidences secondaires situées sur le littoral régional sont plutôt moins menacées par la montée du niveau marin que sur le littoral atlantique, mais les perspectives sont néanmoins alarmantes avec des délocalisations qui s’imposeront à l’avenir. Quant aux résidences en montagne, le recul de l’enneigement réduira les possibilités de ski, ce qui contraindra les stations des Alpes du Sud à revoir leur modèle de croissance qui liait jusqu’à présent extension du domaine skiable et nouveaux programmes immobiliers. Ces différentes problématiques appellent toutefois des réponses spécifiques aux territoires. Il sera partout nécessaire d’inviter les résidents secondaires à prendre part aux décisions des collectivités locales pour les responsabiliser et les associer à la réflexion sur les transitions en cours (énergie, mobilité, eau, gestion des risques). La rénovation énergétique des résidences secondaires apparaît comme un chantier prioritaire.

      Interview II. Gouvernance et planification - Sandrine PERCHEVAL & Noémie LECHAT (Association pour le développement en réseau des territoires et des services)

      1. Pour engager la transition touristique, quelles sont les conditions d’une gouvernance partagée ?

      Le processus de transition est un chemin complexe qui nécessite des volontés et choix politiques forts. La démarche doit avant tout être soutenue par les élus du territoire qui sont garants de la vision à long terme. Il faut disposer d’une ingénierie adaptée. Sont nécessaires des compétences en formalisation des stratégies, mais aussi en matière de gestion et de dépôt de dossiers de financement (parfois complexes), d'animation des projets, de coopération… Si celles-ci sont indispensables en interne, la sollicitation de tiers peut apporter, par leur neutralité, une plus-value dans l’adhésion et l’implication des partenaires. Les souhaits de la société civile parfois organisée en collectifs – préservation de l'environnement, qualité paysagère, souveraineté démocratique, services à développer, etc. – doivent également être pris en compte. Cela peut passer par une mise en récit d’un avenir souhaitable. L’une des conditions de la transition est un financement pérenne. Un financement public permet souvent d’amorcer des projets, mais rares sont ceux qui permettent de s’inscrire sur le temps long. L'investissement dans du « dur » est aujourd'hui plus accessible pour les collectivités que le financement de l’ingénierie. À terme, il s'agit pourtant de faire vivre et d'animer ces équipements et projets, leur permettant d'éprouver leur pertinence dans le paysage territorial. Enfin, une vision transversale est indispensable. Un processus de transition implique de dépasser les logiques de silos. L’exemple de la mobilité montre la complexité d’un seul sujet : les besoins d’un territoire se résument rarement aux transports en commun. Il faut y adosser l’usage prédominant du véhicule personnel, les derniers kilomètres, la démobilité, les déplacements, etc.

      2. Quelles sont les initiatives inspirantes ?

      Plusieurs initiatives peuvent inspirer les acteurs territoriaux :

      □ suite à la fermeture de la station de Céüze en 2020, pour des raisons économiques et d’enneigement, une démarche positive s'est engagée auprès des élus et de la société civile du territoire afin de réfléchir à une vision commune et globale qui ferait la part belle à un tourisme 4 saisons ;

      □ au niveau européen, le « Smart village » a été désigné comme une voie souhaitable pour le développement de territoires ruraux. En France, la notion de Smart village a été déployée sur le massif alpin autour d’une expérimentation dans le Royans Vercors et un guide méthodologique donne des clés pour s’emparer de la démarche au niveau local ;

      □ le programme financier européen LEADER s'appuie sur un mode de gouvernance spécifique : le développement local par les partenaires territoriaux, publics et privés, appelé « Groupe d’action locale » (GAL). Est confiée à celui-ci la responsabilité de déterminer une stratégie concertée de développement et l’attribution de l’enveloppe financière ;

      □ enfin, les schémas directeurs ou diagnostics permettent de donner un cadre à l'avenir souhaité à moyen terme sur un territoire et une thématique. Parfois imposés par le cadre réglementaire, si la démarche est portée politiquement et inscrite dans une logique d'intégration de toutes les parties prenantes, ils peuvent être l'amorce d’une gouvernance territoriale.

    5. Tendre vers des projets de transition touristique adaptés aux territoires ?

      Qui aujourd’hui n’est pas engagé dans une démarche de transition touristique ou, au moins, la désigne comme un horizon souhaitable ? Séminaires, politiques publiques et études clientèles arrivent à la même conclusion : le tourisme se doit d’évoluer au vu de ses impacts négatifs sur les milieux naturels et leur biodiversité, et des effets du changement climatique. La tâche n’est toutefois pas aisée car il n’y a pas de recette toute prête. En montagne, la tentation est forte de couvrir les pentes de luges 4 saisons, de parcours d’accrobranches, de bike parks et de restaurants hôtels toujours plus confortables avec vue panoramique. Ces projets tendent vers une uniformisation des destinations et la montée en gamme accentue les inégalités entre vacanciers.

      Un projet de transition touristique, c’est avant tout un processus qu’il faut penser en « mode projet » et ce faisant, bousculer les manières de travailler. Il faut pouvoir requestionner ce qui allait de soi en termes d’objectif, de stratégie, d’échelle d’action, de partenaires et d’investissements. La transition touristique ne peut s’envisager sans coopération. Qu’il s’agisse de mettre en place une centrale de réservation ou une piste cyclable, l’enjeu est de ne pas mener la réflexion en silo dans chaque collectivité ou office de tourisme. C’est le cas du lac de Serre-Ponçon, à cheval sur trois communautés de communes et deux départements : « nous n’avons pas de périmètre PETR ou de parc naturel qui permet de réunir tous les acteurs. L’État a proposé que le territoire de projet soit celui de la destination touristique car c’est cohérent. Les enjeux communs étaient identifiés, mais il restait à apprendre à travailler en commun », souligne Romain Ferrez, chef de Projet à Avenir Montagnes.

      La transition touristique est une question économique. Comment ne pas impliquer les professionnels et les habitants alors qu’ils sont en première ligne ? Le manque d’eau représente une épée de Damoclès sur les activités nautiques estivales, quand en hiver, le manque de neige demande de l’inventivité pour proposer des activités alternatives. De quoi les professionnels ont ils besoin pour s’adapter ? Quels sont les marqueurs d’identité et les richesses du territoire à mettre en lumière ? Un rééquilibrage de la stratégie de promotion saisonnière est-il à opérer ? Pour structurer les idées collectivement, se former à des méthodes participatives s’impose, car l’horizontalité n’est pas le propre des collectivités. D’ailleurs, faire appel à un animateur extérieur (cf. Interview II) facilite la démarche, afin d’éviter l’écueil des conflits locaux. La clé, c’est la sincérité de la démarche et l’interconnaissance des acteurs qui créent l’énergie et la confiance. À Serre-Ponçon, c’est l’envie de créer une piste cyclable le long du lac qui a finalement rassemblé les différentes parties prenantes.

      Et avant même la coopération et l’échelle d’action, un projet de transition touristique est à construire à l’aune des conditions d’accueil actuelles et à venir de la destination. Les « bonnes » conditions d’accueil d’un site ou d’un territoire reposent sur la vulnérabilité des espaces naturels face au changement climatique, la formation des professionnels, les prix pratiqués, l’accès équitable aux espaces publics, voire au foncier. À cet égard, de plus en plus d’habitants ne mettent plus les pieds dans leur village l’été, voire le quittent définitivement quand les prix de l’immobilier deviennent trop élevés et que les commerces et services de proximité ne sont pas assurés au quotidien. C’est pourquoi de nombreux projets de transition touristique s’élargissent aux enjeux d’habitabilité à l’année. Ce qui est profitable aux habitants le sera aux touristes.

      Zoom 9. Organiser des ateliers territoriaux pour transformer le tourisme

      Lors des États généraux de la transition du tourisme, en 2021, un collectif d’acteurs s’est mobilisé pour impulser
      une démarche réflexive au sein même des territoires de montagne. Des ateliers d’intelligence collective ont été
      imaginés et proposés à différents territoires des massifs français, afin que les acteurs locaux puissent se rencontrer
      et avancer ensemble dans leurs réflexions sur la question de la transition du modèle touristique.
      Quelle a été la méthode appliquée ? Des personnes relais ont été identifiées dans les territoires, puis formées
      aux méthodes d’intelligence collective. Un total de 29 ateliers regroupant 34 territoires de montagne en France se
      sont déroulés en parallèle, organisés en deux temps forts : un temps d'interconnaissance et d’acculturation aux
      problématiques de chacun, puis un temps créatif de réflexion sur les solutions communes à apporter au territoire.
      L’accent a été mis sur la représentativité des participants vis-à-vis de leur territoire (administrations, professionnels
      du tourisme, agriculteurs, associations, artisans, collectifs, élus, chercheurs, gestionnaires d’espaces naturels,
      représentants des domaines skiables…). Un ratio de 30 participants pour 5 animateurs a permis de faciliter le
      cadrage des échanges et garantir une libre parole pour les participants. Au total, près de 900 personnes se sont
      exprimées sur le devenir du tourisme. À l’heure du bilan, des points saillants émergent :
      □ une volonté des acteurs locaux de travailler ensemble pour continuer la dynamique territoriale et se mettre en
      action,
      □ un besoin exprimé d’animation de réseau pour pérenniser la démarche ;
      □ un besoin d’accompagnement des territoires sur la durée pour les expérimentations.

      Pour en savoir plus sur les ateliers territoriaux : www.eg-transitionmontagne.org

  8. Conclusion

    Le tourisme en région Provence-Alpes-Côte d’Azur doit se renouveler en s’affranchissant des communications trop positives qui masquent la réalité vécue par les visiteurs, mais aussi les habitants qui sont leurs premiers hôtes. La majorité des acteurs touristiques et plus largement territoriaux en ont conscience, l’affirment parfois haut et fort, mais le changement de pratiques et de comportements n’est pas à la mesure des enjeux sociétaux et environnementaux qui conduisent aujourd’hui le secteur et tout son écosystème dans l’impasse. Pour éviter ou réduire de manière significative, selon le cas, les émissions de GES et pollutions, l’érosion de la biodiversité, les risques majeurs liés aux événements climatiques extrêmes, la surenchère des équipements et infrastructures (et l’endettement associé), la surfréquentation touristique à certaines périodes de l’année, les gaspillages, les inégalités sociales, les nuisances, la mainmise sur certains territoires qui exilent leurs habitants, etc., le tourisme régional est appelé à tendre vers plus de sobriété (énergie, eau, foncier…), d’équité et justice sociale, de responsabilité et durabilité. Son modèle, qui s’appuie aujourd’hui encore sur des indicateurs économiques obsolètes, doit évoluer pour engager au plus vite la transition écologique qui a vocation à préserver le secteur touristique sur le long terme. La transition, plus précisément les transitions (énergie, environnement, social, économie et politique), sont les alliées du tourisme. Elles s’entendent aux échelles régionale et territoriale, avec une imbrication d’actions et de mesures efficaces mobilisant l’ensemble des parties prenantes : État, collectivités, gestionnaires, entreprises et associations (dont les professionnels du tourisme), habitants… Certes, des progrès en matière de transport et mobilité, d’hébergement et d’accueil, de préservation et de protection de l’environnement, sont manifestes et vertueux, mais ils restent très insuffisants par rapport aux efforts à déployer aux quatre coins du territoire régional pour atteindre la neutralité carbone en 2050, ce qui permettrait de limiter le réchauffement climatique et ses conséquences dramatiques (si tous les pays et régions du monde jouent aussi la carte de la sobriété). Les territoires de montagne, confrontés au recul de leurs ressources (neige, eau…) et maintenant au défi de la durabilité des Jeux olympiques d’hiver 2030, et les parcs naturels régionaux (Photo 28), sont aujourd’hui en avance dans leurs réflexions de transformations. Des démarches ambitieuses émergent aussi sur le littoral, dans les espaces ruraux et les villes et encouragent les acteurs du tourisme, clients inclus, à changer leur regard.

    Le tourisme ne se suffit pas à lui-même dans le sens où il est le reflet de nos modes de production et de consommation, de l’échelle territoriale à internationale, dans tous les domaines : énergie, industrie, bâtiment, transport, mobilité, urbanisation, alimentation, agriculture, biodiversité, ressource en eau ... Repenser le tourisme signifie repenser notre rapport au vivant, à l’humain et aux ressources terrestres, nos choix de société (dont les excès de la mondialisation), notre besoin presque compulsif de voyages et de loisirs… Le tourisme n’inversera pas seul la courbe des émissions de GES, mais il doit être l’un des moteurs de la bifurcation de nos sociétés avec le transport (décarbonation), l’énergie (développement des EnR), l’urbanisme écologique (renaturation, désartificialisation des sols, etc.)… Il est au cœur de nos territoires, il est à notre image.

    En ce sens, pour développer un tourisme plus responsable et respectueux de l’environnement et de ses habitants, le Comité régional du tourisme (CRT) Provence-Alpes-Côte d’Azur et ses partenaires développent des filières (écotourisme, vélo, tourisme de savoir-faire…) susceptibles de promouvoir à l’année les richesses de la région. La volonté est de mieux répartir les flux touristiques, d’améliorer les expériences des visiteurs et de renforcer la durabilité des activités, en partenariat avec les acteurs des territoires. Ces initiatives sont de bons signes à encourager, mais il est possible d’aller plus loin. Aujourd’hui, des pistes d’adaptation au changement climatique et d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre, des méthodes et techniques qui font avancer les débats et favorisent le passage à l’action, sont identifiées et partagées. Ce cahier thématique du GREC-SUD présente certaines d’entre elles, en vue de réduire la vulnérabilité de nos territoires qui dépendent grandement du tourisme, protéger les habitants et les visiteurs, privilégier une vision systémique du territoire et saisir les opportunités économiques offertes par la transition écologique tout en stoppant la fuite en avant du secteur touristique. Ce dernier a un bel avenir devant lui si nous en prenons soin et si les projets touristiques sont intégrés à des projets de territoire désirables et durables, construits collectivement et en adéquation avec les enjeux climatiques actuels.

  9. Contributeurs

    Dans le cahier, est associée au titre des chapitres et sous-chapitres la liste des contributeurs.

    1. Irène ALVAREZ (§4.2), médiatrice nature-culture et accompagnatrice en montagne, Immersion Montagne.
    Contact : immersionmontagne@gmail.com

    2. Laurent ARCUSET (interview I), gérant, GéoSystème.
    Contact : l.arcuset@geosysteme.fr

    3. Aurélie ARNAUD (§2.3, zoom 3), maîtresse de conférences en géographie humaine et sociale, Laboratoire interdisciplinaire en environnement et urbanisme (LIEU-UR 889), responsable du Master 2 « Transitions et planification : projets de territoires soutenables », Institut d'urbanisme et d'aménagement régional (IUAR), Aix-Marseille Université (AMU).
    Contact : aurelie.arnaud@univ-amu.fr

    4. Jean-Noël BAUDIN (§4.3), chargé de mission « tourisme durable », chef de projet « Espace valléen », Parc naturel régional du Luberon.
    Contact : jean-noel.baudin@parcduluberon.fr

    5. Cécile BERGEOT (§5.1), chargée de mission « valorisation et publications », AIR Climat.
    Contact : cecile.bergeot@air-climat.org

    6. Philippe BOURDEAU (§3.3), professeur, PACTE, Université Grenoble Alpes, Institut d’urbanisme et de géographie alpine, UMR PACTE, CNRS.
    Contact : philippe.bourdeau@univ-grenoble-alpes.fr

    7. Sylvain BRÉMOND (§6.2), directeur général adjoint, Capenergies.
    Contact : sylvain.bremond@capenergies.fr

    8. Anne CHANAL (§5.3), cheffe de groupe « Risques et Territoires », CEREMA.
    Contact : anne.chanal@cerema.fr

    9. Sylvie CLARIMONT (§3.4), professeure des universités, Université de Pau et des Pays de l’Adour, UMR 6031 TREE.
    Contact : sylvie.clarimont@univ-pau.fr

    10. David CRIADO (§5.3), chef du groupe « Risques inondations et littoraux », CEREMA.
    Contact : david.criado@cerema.fr

    11. Jérôme CROZY (zoom 7), chargé de mission « sobriété foncière et transition écologique », Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) Provence-Alpes-Côte d'Azur.
    Contact : jerome.crozy@developpement-durable.gouv.fr

    12. Juliette DANÉ (§6.5, zoom 9), chargée de mission « montagnes en transition », Mountain Wilderness.
    Contact : juliette.dane@mountainwilderness.fr

    13. Timothée DEPEYRE (zoom 4), chargé de projet programme CAMPAS, Parc naturel régional du Verdon.
    Contact : tdepeyre@parcduverdon.fr

    14. Pierre DÉRIOZ (§6.4), maître de conférences, Avignon Université, chercheur, UMR Espace-Dev 228 IRD.
    Contact : pierre.derioz@univ-avignon.fr

    15. Frédérique FIGUEROA (§6.3), responsable du Pôle « accueil des publics et mobilisation citoyenne », Parc national des Calanques.
    Contact : frederique.figueroa@calanques-parcnational.fr

    16. Julie GATTACCECA (§5.1), chargée de projet MedECC, AIR Climat.
    Contact : gattacceca@medecc.org

    17. Emmanuelle GEORGE (§3.2), cheffe de département adjointe du département ACT (Actions Transitions et Territoires), Laboratoire écosystèmes et sociétés en montagne (Lessem), Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae).
    Contact : emmanuelle.george@inrae.fr
    © Matt Hardy (Pexels)
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    18. Emanuele GIORDANO (§2.4, §6.3), maître de conférences, responsable du Master « tourisme durable », Université de Toulon.
    Contact : emanuele.giordano@univ-tln.fr

    19. Laure GUILLIERME (zoom 4), responsable du Pôle « agriculture », Parc naturel régional du Verdon.
    Contact : lguillierme@parcduverdon.fr

    20. Émeline HATT (§1.3, §3.2), maîtresse de conférences en aménagement et urbanisme, Laboratoire interdisciplinaire en environnement et urbanisme (LIEU), co-responsable du Master 2 « Transition et planification : projets de territoires soutenables », Institut d'urbanisme et d'aménagement régional (IUAR), Aix-Marseille Université (AMU).
    Contact : emeline.hatt@univ-amu.fr

    21. Agnès HENNEQUIN (§5.2), chargée de mission « aménagement et biodiversité », Agence régionale de la biodiversité et de l’environnement (ARBE) Provence-Alpes-Côte d’Azur.
    Contact : a.hennequin@arpe-arb.org

    22. Marielle HERBADJI (zoom 1), chargée de mission « empreinte carbone du tourisme », Pôle « Adaptation-DAAT » (Direction adaptation, aménagement et trajectoire bas carbone),ADEME.
    Contact : marielle.herbadji@ademe.fr

    23. Dominique IMBURGIA (zoom 4, §6.3), chargé de projet « transition écologique », Parc naturel régional du Verdon.
    Contact : dimburgia@parcduverdon.fr

    24. Marie-Laure LAMBERT (§2.2), maîtresse de conférences en droit, Laboratoire interdisciplinaire en environnement et urbanisme (LIEU), Aix-Marseille Université (AMU).
    Contact : ml.lambert@univ-amu.fr

    25. Gloria LÁZARO CLIMENT (§1.4), cheffe de projet, secrétariat conjoint Interreg Sudoe (sa contribution a été rédigée quand elle occupait le poste de chargée de programme au Plan Bleu).
    Contact : gloria.lazaro@interreg-sudoe.eu

    26. Noémie LECHAT (interview II), responsable de projets, ADRETS.
    Contact : nlechat@adrets-asso.fr

    27. Audrey MICHEL (§1.2), directrice, Agence régionale de la biodiversité et de l’environnement (ARBE) Provence-Alpes-Côte d’Azur
    Contact : a.michel@arbe-regionsud.org

    28. Vincent MOULIN (zoom 8), chargé d’études « économie et développement territorial », Agence d'urbanisme de l'aire toulonnaise et du Var.
    Contact : moulin@audat.org

    29. Jacques MOUREY (§3.3), chercheur associé, Edytem, Université Savoie Mont Blanc, CNRS (UMR 5204), accompagnateur en montagne.
    Contact : j.mourey74@hotmail.fr

    30. Alice NIKOLLI (§3.4), maîtresse de conférences, UMR 5204, Edytem, Université Savoie Mont Blanc.
    Contact : alice.nikolli@univ-smb.fr

    31. Sandrine PERCHEVAL (interview II), directrice, ADRETS.
    Contact : adrets@adrets-asso.fr

    32. Anne-Marie PEREZ (§6.2), directrice générale, Capenergies.
    Contact : anne-marie.perez@capenergies.fr

    33. Jean-Pierre ROLLAND (§4.1), animateur plateforme SHERPA, CIHEAM - Institut agronomique méditerranéen de Montpellier.
    Contact : rolland@iamm.fr

    34. Philippe ROSSELLO (coordination générale, résumé, introduction générale, §1.1, §2.1, §2.5, §3.1, §4.1, zoom 5, §5.1, zoom 6, conclusion, 4ème de couverture), géoprospectiviste, GeographR, coordinateur et animateur du Groupe régional d’experts sur le climat en Provence-Alpes-Côte d’Azur (GREC-SUD).
    Contact : philippe.rossello@geographr.fr

    35. Gwénaël SABY (zoom 4, §6.3), responsable du Pôle « écotourisme et gestion des sites fréquentés » , Parc naturel régional du Verdon.
    Contact : gsaby@parcduverdon.fr
    62

    36. Yohan URIE (§6.1), responsable de l'Observatoire régional des transports Provence-Alpes-Côte d'Azur, Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) Provence-Alpes-Côte d'Azur.
    Contact : yohan.urie@developpement-durable.gouv.fr

    37. Marie-Caroline VALLON (§5.2), cheffe de projet, Direction de la transition énergétique et des territoires, Région Sud Provence-Alpes Côte d’Azur.
    Contact : mcvallon@maregionsud.fr
    38. Pauline VOURIOT (zoom 2), chargée de mission « biodiversité marine », Parc national des Calanques.
    Contact : pauline.vouriot@calanques-parcnational.fr

    L’équipe du GREC-SUD tient à chaleureusement remercier l’ensemble des contributrices et contributeurs qui ont synthétisé les connaissances, mais aussi le groupe de travail thématique qui est intervenu en amont pour définir les axes prioritaires à traiter. Merci également au conseil scientifique du GREC-SUD et aux financeurs, l’ADEME Provence-Alpes-Côte
    d’Azur et la Région Sud, qui ont permis à AIR Climat de réaliser cet ouvrage.

    Pour obtenir la liste des références bibliographiques sur lesquelles s’appuie cette synthèse des connaissances, prenez contact avec le GREC-SUD : contacts@air-climat.org

    Comment citer cette publication du GREC-SUD ?
    Le tourisme face au changement climatique en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Les cahiers du GREC-SUD édités par l’Association pour l’innovation et la recherche au service du climat (AIR Climat), mai 2024, 64 pages. ISBN : voir PDF

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