Les attraits touristiques de la Provence-Alpes-Côte d’Azur font de notre région une destination phare comme en témoigne le nombre de visiteurs qui découvrent tout au long de l’année le patrimoine environnemental, culturel, architectural et historique, en se concentrant souvent sur des territoires exigus et surfréquentés en haute saison. Pour développer l’économie du tourisme, les acteurs du secteur, institutionnels et privés, promeuvent sans relâche les « expériences » à vivre au quotidien : activités aquatiques et sportives, sorties nature, artisanat et shopping, culture et patrimoine, détente et loisirs, vin et gastronomie, art moderne et contemporain, rendez-vous festifs… De la plongée sous-marine au surf des neiges, en passant par les festivals ou la farniente, rien ne manque pour convaincre les voyageurs, quelles que soient les tendances, les modes, les envies, les gourmandises, les convictions, les bourses, les générations… Tout est pensé pour vivre des séjours insolites et accueillir en nombre les touristes locaux, nationaux et internationaux.
Les recettes directes et indirectes donnent au tourisme régional un poids économique considérable qui a le mérite de créer des emplois et des richesses, d’attirer les investisseurs, de faciliter la construction d’infrastructures et équipements… Les enjeux financiers du tourisme concentrent l’attention des décideurs, collectivités, investisseurs, entreprises et professionnels désireux de bénéficier de la manne financière. Même les acteurs non professionnels, aux aguets, en profitent. Dans ces conditions si favorables d’un point de vue économique, pourquoi se questionner sur le tourisme régional ? Pourquoi serait-il nécessaire d’alerter les acteurs du tourisme et de nuancer ce succès, cette love story, tout en proposant des pistes d’adaptation au changement climatique et d’atténuation des émissions de GES ?
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Sommaire du cahier
Les attraits touristiques de la Provence-Alpes-Côte d’Azur font de notre région une destination phare comme en témoigne le nombre de visiteurs qui découvrent tout au long de l’année le patrimoine environnemental, culturel, architectural et historique, en se concentrant souvent sur des territoires exigus et surfréquentés en haute saison.
Pour développer l’économie du tourisme, les acteurs du secteur, institutionnels et privés, promeuvent sans relâche les « expériences » à vivre au quotidien : activités aquatiques et sportives, sorties nature, artisanat et shopping, culture et patrimoine, détente et loisirs, vin et gastronomie, art moderne et contemporain, rendez-vous festifs… De la plongée sous-marine au surf des neiges, en passant par les festivals ou la farniente, rien ne manque pour convaincre les voyageurs, quelles que soient les tendances, les modes, les envies, les gourmandises, les convictions, les bourses, les générations… Tout est pensé pour vivre des séjours insolites (Photo 3) et accueillir en nombre les touristes locaux, nationaux et internationaux. Les recettes directes et indirectes donnent au tourisme régional un poids économique considérable qui a le mérite de créer des emplois et des richesses, d’attirer les investisseurs, de faciliter la construction d’infrastructures et équipements… Les enjeux financiers du tourisme concentrent l’attention des décideurs, collectivités, investisseurs, entreprises et professionnels désireux de bénéficier de la manne financière. Même les acteurs non professionnels, aux aguets, en profitent.
Dans ces conditions si favorables d’un point de vue économique, pourquoi se questionner sur le tourisme régional ? Pourquoi serait-il nécessaire d’alerter les acteurs du tourisme et de nuancer ce succès, cette love story, tout en proposant des pistes d’adaptation au changement climatique et d’atténuation des émissions de GES ?
La région Provence-Alpes-Côte d’Azur est un « petit pays » de 5 millions d’habitants qui a su profiter de l’essor touristique monial et de la démocratisation des moyens de transport (avion, voiture…) ces dernières décennies. Par an, 36,6 millions de séjours sont dénombrés, les touristes venant de tous les horizons. Cette forte affluence touristique régionale génère des émissions de gaz à effet de serre (GES), aujourd’hui mal quantifiées, faute d’études récentes, qui aggravent les effets du changement climatique néfastes à toute l’économie touristique. Le transport (avions, bateaux de croisière, voitures…) et les hébergements sont les principaux émetteurs de GES, mais les pratiques agro-alimentaires et la consommation énergétique représentent aussi des enjeux majeurs. En effet, chaque visiteur, durant son séjour et lors de ses activités, consomme des biens, des services, des ressources naturelles et des énergies fossiles, exerce des pressions sur les écosystèmes terrestres et marins souvent fragiles, altère la qualité de l’air, accroît le volume de déchets, renforce le gaspillage alimentaire, favorise l’importation de produits répondant à sa demande et ses exigences… Lors des pics de fréquentation saisonniers, la population de certaines localités prisées est multipliée par 3, 5 ou 10, encourageant l’augmentation du nombre de lits « froids » et de résidences secondaires au détriment des habitations annuelles ce qui accentue les inégalités et tensions sociales.
Le tourisme mondial est aujourd’hui responsable et victime du changement climatique (répétition des événements climatiques extrêmes, recul de l’enneigement, acidification et élévation du niveau de la mer…), comme tous les secteurs d’activité, à des degrés variables. Des acteurs locaux défendent, avec un intérêt sous-jacent, le bilan des émissions de GES du tourisme en Provence-Alpes-Côte d’Azur en affirmant que la part des émissions du tourisme régional est infime par rapport aux émissions nationales et mondiales.
Ce constat perd toute pertinence quand le regard se porte sur :
□ les émissions régionales de GES par touriste incluant le transport domicile-destination, ses déplacements une fois sur place, ses activités au quotidien et toutes les attentions qui lui sont réservées avant, pendant et après son séjour (construction d’hébergements, d’infrastructures d’accueil et de routes, rénovation d’hébergements, mise à disposition d’équipements de loisirs…),
□ l’urbanisation déstockant et/ou limitant la séquestration du carbone dans les sols, la biomasse, les forêts et les zones humides, accentuant le risque de ruissellement et d’inondations en cas de pluies intenses…,
□ la quantité de produits manufacturés et alimentaires importés,
□ les pollutions (eau, sol, air) qui détériorent l’état de santé du vivant,
□ la qualité des ressources en eau souterraine et de surface,
□ la dégradation des habitats et milieux naturels ou semi-naturels, l’appauvrissement de la biodiversité,
□ la saturation de la capacité de charge3 des milieux naturels…
Le coût environnemental du tourisme régional, encore mal évalué, est à mettre dans la balance des dépenses et recettes, et s’additionne au coût social (précarité des emplois, inégalités de revenus, santé au travail…) qui est le plus souvent payé par les populations les plus vulnérables.
Notre région est clairement dépendante de son tourisme qui est aujourd’hui confronté à des défis auxquels il ne peut pas se soustraire. Son modèle de développement fragilisé par le changement climatique doit s’adapter aux contraintes environnementales, sociales, économiques et politiques tout en saisissant les opportunités de la transition écologique qui, contrairement à des affirmations hâtives, ne s’apparente pas à un déclin de notre économie. En instaurant de nouvelles stratégies de développement, le tourisme régional est capable de se réinventer et d’innover en vue de contribuer à l’atteinte de la neutralité carbone en 2050, de rendre nos territoires plus sobres et résilients, d’améliorer la qualité de vie des habitants et de continuer à faire rêver nos visiteurs. Ce cahier thématique du GREC-SUD ouvre des voies pour tendre vers cet objectif.
La région a tous les atouts pour attirer les visiteurs du monde entier. Le tourisme régional avec ses trois « marques monde » (Provence, Alpes, Côte d’Azur), pour reprendre l’expression du Comité régional du tourisme, est l’un des piliers de l’économie locale, mais ce secteur dynamique contribue au changement climatique, à la dégradation des écosystèmes naturels et au développement des flux mondialisés. Ce chapitre fait un point sur le poids économique du secteur, les émissions de gaz à effet de serre associées, la fragilité de la biodiversité, les enjeux et opportunités de la transition écologique, et l’évolution des attentes des touristes.
Notre région bénéficie d'un patrimoine naturel exceptionnel. Elle présente une forte diversité d'habitats où vivent un grand nombre d'espèces animales et végétales.
Elle abrite 71,5 % des différentes espèces de la France métropolitaine (Figure 4). C’est l’un des 34 hotspots de biodiversité au niveau mondial.
La forte fréquentation touristique représente une source de dégradation croissante de nos écosystèmes naturels et de leur biodiversité (cette pression s’est accrue après la crise sanitaire de la Covid-19). En effet, les activités liées au tourisme de masse, notamment en été, perturbent et affectent les écosystèmes fragiles comme les zones humides ou côtières, les dunes, les forêts, les milieux marins… Parallèlement, la biodiversité régionale est aussi fortement soumise aux effets du changement climatique : périodes de sècheresse de plus en plus sévères et longues, canicules plus fréquentes et intenses, hausse de la température des eaux de surface et profondes… Or, nos espaces naturels sont de véritables amortisseurs du changement climatique et des événements climatiques extrêmes, par exemple
□ séquestration des gaz à effet de serre dans la biomasse et les sols,
□ zones tampons en cas de fortes pluies et d’inondations (les zones humides jouent notamment un rôle d’éponge, ce qui limite et ralentit le ruissellement).
Essentielle à notre économie régionale, la fréquentation touristique, quand elle est mal gérée et excessive, altère les fonctions des milieux naturels et ne permet pas le maintien de la biodiversité : piétinements, dérangements d’espèces, production de déchets, notamment plastiques, dont certains deviennent des pièges pour la faune, pollution sonore sur terre comme en mer perturbant le cycle de vie des espèces, ancrage des bateaux détruisant la flore marine… Ces réalités se traduisent par exemple par l’érosion des milieux ou la régression des herbiers de posidonie.
Les afflux touristiques enregistrés sur certains sites peuvent être très importants :
□ les sources de l’Huveaune dans le Parc naturel régional de la Sainte-Baume : 45 000 visiteurs par an ;
□ les gorges du Toulourenc, entre Baronnies provençales et mont Ventoux : 120 000 visiteurs en été ;
□ le belvédère du Point sublime, site de départ et d’arrivée du couloir Samson dans le Grand canyon du Verdon : plus d’un million de visiteurs par an ;
□ le Grand site Concors Sainte-Victoire : plus d’un million et demi de visiteurs par an ;
□ Parc national des Calanques : trois millions de visiteurs par an ;
□ Camargue : plus de 5 millions de visiteurs par an…
Les gestionnaires des espaces naturels protégés travaillent sur la gestion des flux touristiques pour mieux répartir la fréquentation tout au long de l’année, limiter les pressions sur les milieux naturels, responsabiliser les usagers et, dans le même temps, développer un tourisme durable visant à améliorer les expériences du visiteur avec la mise en place d’aménagements de zones d’accueil ou de cheminements, de plans de communication
et de sensibilisation, de systèmes de réservation… L’Agence régionale de la biodiversité et de l’environnement, dans le cadre du Réseau régional des gestionnaires d’espaces naturels protégés (RREN), favorise le partage et la capitalisation des expériences.
Dans la région, des initiatives exemplaires (à multiplier) sont à souligner :
□ une collaboration inédite entre le Comité régional du tourisme et Waze pour une expérimentation de redirection des flux touristiques vers des sites alternatifs dans les espaces naturels,
□ la mise en place par le Parc national des Calanques d’une solution de réservation obligatoire (Photo 4 et 5, cf. §6.2) pour accéder aux sites qui subissent des pics de fréquentation, ou encore la fermeture de la route des Goudes à la circulation motorisée,
□ la régulation des afflux grâce à la mise en place d’une zone de mouillage, d’équipements légers et d’une jauge journalière des navettes l’été dans le Parc national de Port-Cros, pour éviter de dégrader les herbiers de posidonies, véritables poumons de la mer Méditerranée.
La renommée internationale de la Provence-Alpes-Côte d’Azur (douceur du climat en toute saison, diversité des paysages, richesse de la faune et flore, saveurs médi-terranéennes, variété des loisirs…) attire de nombreux touristes en toute saison, notamment en été. Cette attractivité se traduit par un fort dynamisme économique, mais aussi un bilan GES et énergétique défavorable.
et 237,7 millions de nuitées, dont 150,8 millions de nuitées françaises et 86,9 millions de nuitées internationales. Les séjours touristiques (au moins une nuit en un lieu fixe) sont, par saison, équitablement répartis (Figure 1), mais les nuitées se concentrent au cœur de l'été (35 %), ce qui signifie que les séjours sont plus longs durant la période estivale (9 jours), sachant que la durée moyenne d’un séjour est de 6,5 jours.
Le poids économique et l'attractivité touristique de la région
La Côte d'Azur (Alpes-Maritimes et sud-est du Var) concentre 42 % des nuitées régionales et les deux départements des Alpes-Maritimes et du Var 55 % des nuitées. Les touristes français viennent principalement de la région parisienne, d'Auvergne-Rhône-Alpes et de Provence-Alpes-Côte d'Azur. De leur côté, les touristes étrangers (Figure 2) sont essentiellement issus d'Europe de l’Ouest, des pays d'Europe centrale et de l'Est,
des États Unis... L’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni représentent un tiers des séjours internationaux, l’Amérique du Nord 8 %. Cette attractivité touristique génère d’importants revenus : d’après une étude du Comité régional du tourisme (CRT) parue fin 2023, le tourisme est un secteur économique majeur dans la région avec 20 milliards d'euros
de retombées économiques directes (16,8 milliards contre 14 milliards en 2010) et indirectes (3,2 milliards), 13 % du produit intérieur brut (PIB) et 153 000 emplois (124 000 salariés et 29 000 non-salariés, soit environ 9 % des emplois). Le budget moyen du séjour et par personne (sans prise en compte des durées de séjour) s’élève à 942 euros. Au printemps et en automne, la dépense moyenne par jour et par personne est la plus élevée. Le tourisme infrarégional et le tourisme international représentent chacun 29 % des séjours, mais le premier apporte 13 % des retombées économiques et le second 45 %.
Des émissions de gaz à effet de serre mal connues
Au total, selon l’ADEME, les émissions de gaz à effet de serre du secteur du tourisme en France atteignent 118 millions de tonnes d’équivalent CO2 (eqCO2) en 2018, ce qui correspond aux émissions de GES de 11 millions de Français sur une année entière. La part des émissions du bilan GES qui ont lieu sur le territoire national (50 millions de tonnes de eqCO2) représente 11 % de l’inventaire national d’émissions de GES en France, pour un poids de 7,4 % du PIB.
D’après l’Observatoire régional de l'énergie, du climat et de l'air de Provence-Alpes-Côte d'Azur (ORECA), qui a pour mission d’évaluer et de soutenir les politiques publiques en suivant l’évolution du secteur énergétique sur le territoire régional, les principales consommations d'énergie et émissions de GES du tourisme, hors excur-
sions à la journée, proviennent de :
1.déplacements domicile-lieu de vacances et sur le lieu de vacances (transport),
2. occupation de résidences (hébergements),
3. utilisation d’équipements touristiques et de loisirs.
Le transport et l’hébergement sont largement dominants en termes d’émissions de GES et de consommation énergétique (Figure 3). Dans le secteur du transport, l’avion (60 % pour seulement 14 % des séjours) et la voiture (38 %) étaient responsables de 98 % des émissions régionales de gaz à effet de serre. La consommation d’énergie était mieux répartie : 35 % train (TGV et trains régionaux),29 % avion, 26 % voiture, 9 % bateau… À titre indicatif, aujourd’hui, pour venir et quitter la région, 62 % des touristes utilisent la voiture, 16 % l’avion (son usage étant largement facilité par les vols à bas coût des compagnies aériennes), 15 % le train… Et l’augmentation du nombre de croisiéristes génère à l’heure actuelle des émissions de GES et polluants significatives, alors que les croisières, malgré leur succès, restent un motif de séjour marginal. Au total, le tourisme régional représentait 11,7 millions de tonnes eqCO2 d’après l’ORECA.
Pour mieux évaluer la part réelle des émissions de GES du tourisme régional, il serait nécessaire d’actualiser les chiffres qui datent de 2010-2011.
Le tourisme est un secteur économique majeur dans la région avec 20 milliards d’euros de retombées économiques directes et indirectes.
Zoom 1. Guide méthodologique et outil pour la réalisation d’un bilan carbone
Marielle HERBADJI (ADEME)
Dans le cadre du plan Destination France5, le pilotage de mesures, dont celle visant à renforcer la durabilité du secteur touristique et inscrire les activités dans des démarches actives de réduction des émissions de gaz à effet de serre, a été confié à l’ADEME à partir de 2022.
Plusieurs études sont prévues dans le cadre de cette mesure pour outiller les acteurs du tourisme :
1. actualisation du bilan d’émissions de gaz à effet de serre (BEGES) du tourisme en France : cette actualisation est prévue afin de constater les évolutions depuis le dernier exercice et mettre à jour les données de référence du secteur ;
2. élaboration d’un guide sectoriel BEGES tourisme & territoires : le projet vise à doter les Régions (conseils régionaux) d’éléments méthodologiques pour construire leur propre BEGES tourisme et d’un outil structurant pour la définition et le pilotage de politiques touristiques en faveur de la durabilité. Le guide et l’outil sont destinés aux Régions et, plus particulièrement, aux observatoires des comités régionaux du tourisme. D’autres guides sectoriels de ce type ont par ailleurs déjà été publiés par l’ADEME6.
Le guide sectoriel a pour objectif d’établir une méthodologie en vue de réaliser un bilan régional GES pour la filière du tourisme. Une expérimentation menée auprès de trois régions volontaires, sélectionnées par l’ADEME, permettra de présenter dans le guide les grandes tendances observées et donner une vision des principaux postes d’émissions de GES de la filière touristique. Le guide méthodologique intègrera également des exemples de mesures territoriales pertinentes afin que les acteurs régionaux puissent facilement passer à l’action à la suite d’un exercice de bilan GES.
L’outil développé : il facilite la mise en application de la méthodologie décrite dans le guide sectoriel. Chaque Région pourra intégrer ses données d’activité liées au tourisme dans l’outil afin d’établir son bilan GES. La construction de l’outil s’appuiera sur l’expérimentation, permettant notamment de vérifier la disponibilité des données régionales et départementales nécessaires, et d’arbitrer les cas particuliers où la donnée ne serait pas disponible, de tester l’intégration de jeux de données réels, et de s’assurer que l’outil prenne en compte les spécificités territoriales.
Le calendrier : les deux études (actualisation BEGES et élaboration du guide sectoriel) sont réalisées ou en cours de finalisation et les rapports seront publiés au second semestre 2024.
Le tourisme est une activité fortement tributaire des conditions climatiques et potentiellement exposée aux aléas : 80 % des communes très touristiques sont concernées par au moins un risque (contre 49 % des communes françaises) et une vulnérabilité spécifique des clientèles touristiques face aux risques est observée (hébergements et activités touristiques implantés dans le milieu naturel, touristes peu sensibilisés aux risques…). Le changement climatique a des effets à la
fois directs sur les ressources climatiques (température de l’air et de l’eau, ensoleillement) et indirects sur les ressources environnementales du tourisme (couverture neigeuse, érosion du littoral, débit des cours d’eau pour les activités de loisirs, paysages et biodiversité). Sur le long terme, les impacts du changement climatique sur les ressources récréatives et touristiques côtières (des infrastructures aux plages), de montagne (enneigement du domaine skiable, coût énergétique, économique et
environnemental de la production de la neige artificielle) ou encore hydriques (eau pour la consommation des équipements touristiques et eaux des lacs et rivières soumises à des risques d’eutrophisation7 et de pollution) invitent à engager la transition écologique du secteur et des territoires touristiques
Face à l’accroissement des conflits d’usages (utilisation des espaces naturels et gestion de la ressource en eau) et des coûts de maintien des ressources nécessaires aux activités de tourisme et de loisirs, ou encore face au risque de développement de friches touristiques (remontées mécaniques par exemple) dans des territoires fortement dépendants de la mobilité des visiteurs (mobilités dont le coût énergétique et économique risque de s’accroître), il est primordial d’anticiper la transition écologique.
Si les trajectoires de transition sont variées et doivent être adaptées à chaque territoire, en s’appuyant sur leurs spécificités et potentialités, certains questionnements sont transversaux et des perspectives d’évolution du secteur peuvent être esquissées.
Le transport (Photo 6) et les mobilités, au coeur des pratiques touristiques, constituent un point central de la transition écologique. Les stratégies de développement touristique à la recherche d’une attractivité internationale (plus carbonée) sont-elles encore judicieuses dans un contexte de crise climatique et énergétique, alors que la gestion de la crise sanitaire Covid-19 a mis en lumière et amplifié les pratiques de tourisme de proximité ? La valorisation du tourisme et des loisirs de proximité, en développant l’offre de transport en commun (hors avion) et les modes doux pour se rendre et se déplacer sur les lieux touristiques, est une option crédible. Se positionner sur un tourisme bas carbone ou accessible sans voiture est une opportunité, tant pour les visiteurs ne possédant pas de voiture (50 % des Parisiens, les jeunes, les ménages aux revenus modestes…) que les entreprises qui pourraient inscrire leurs évènements dans leurs démarches de RSE (responsabilité sociétale des entreprises).
Parallèlement, pour les acteurs publics, définir les priorités vis-à-vis des usages concurrents est essentiel. La pression du tourisme est par exemple la plus forte au moment où les ressources en eau sont rares et mobilisées pour l’irrigation. Afin de répondre aux objectifs du zéro artificialisation nette (ZAN), la question de la
sobriété pour l’usage des sols semble également fondamentale pour un secteur dont les principaux investissements sont liés au développement de l’hébergement (en particulier les résidences secondaires).
Soutenir la conversion des activités les plus vulnérables et intégrer l’adaptation au changement climatique dans les démarches de développement touristique existantes paraît inévitable. Les leviers d’action sont pluriels : diversifier l’offre touristique et plus largement l’économie des territoires touristiques, imposer des efforts de réduction des impacts écologiques aux hébergeurs (rénovation thermique…) et prestataires d’activités touristiques, sensibiliser et former les professionnels et les futurs professionnels, mais aussi les touristes, aux économies d’énergie et aux comportements responsables, mettre en place les modalités d’une éco-conditionnalité des aides et, surtout, envisager la sobriété, voire la décroissance de ce secteur (sans réduire la décroissance à un déclin économique caricatural).