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/ Mer et littoral

Le marégraphe de Marseille : un œil sur le climat

Un article proposé par Alain Coulomb, Président de l'association "Les Amis du Marégraphe".

Le mot « marégraphe » désigne à la fois un appareil qui mesure le niveau de la mer et les bâtiments qui abritent cet instrument. Celui de Marseille, géré par l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), est à la fois un monument historique et un observatoire moderne du niveau de la mer.

Au niveau national et mondial, la mesure du niveau de la mer s’effectue essentiellement grâce à deux sortes d’outils : des satellites océanographiques (l’altimétrie satellitaire est fondée sur la mesure de la hauteur instantanée de la mer à l’aide d’un émetteur/récepteur d’ondes radar embarqué sur un satellite artificiel) et des marégraphes. Les deux techniques sont très complémentaires.

Un bijou patrimonial

Bâtiment le marégraphe de Marseille © Alain Coulomb

Le marégraphe de Marseille a été construit en 1883-1884 pour fixer l’origine des altitudes françaises continentales (l’altitude 0). Ce zéro a été établi grâce à un appareil qualifié de « totalisateur » car il effectue en permanence des sommes de niveaux d’eau. Cet intégrateur mécanique permet, par une simple division de deux chiffres fournis par l’instrument, de calculer rapidement et avec une précision extraordinaire, un niveau moyen de la mer sur une période choisie.

Il a été conçu par un ingénieur allemand et construit dans la banlieue de Hambourg. Trois marégraphes totalisateurs ont été assemblés dans cette ville. Les deux premiers ont disparu assez rapidement. Le marégraphe mécanique de Marseille, en parfait état de marche (même si la partie enregistrement papier n’est plus utilisée depuis le départ du dernier gardien en 1988), est donc aujourd’hui unique au monde. L’observatoire marégraphique de Marseille est classé Monument historique depuis 2002.

Un observatoire moderne

Marégraphe mécanique © Alain Coulomb

L’intérêt actuel de cet observatoire est de participer au suivi et à la compréhension de l’un des nombreux effets des changements climatiques : l’élévation de plus en plus rapide du niveau moyen des mers. La série de hauteurs d’eau fournie par le marégraphe de Marseille est très longue (137 ans d’observations, pratiquement sans interruption). Cette série est également l’une des plus cohérente (très peu de changements d’appareils, pratiquement pas de changements dans l’environnement des mesures, etc.). Pour ces raisons, le marégraphe de Marseille est intégré au réseau GLOSS (Global sea level observing system), réseau mondial de marégraphes destiné à étudier le niveau des mers.

La série temporelle de Marseille est en cours, et sa qualité actuelle est garantie par des appareils à la pointe des technologies : un marégraphe numérique qui seconde l’appareil mécanique « totalisateur » et qui est exploité en collaboration avec le Service hydrographique et océanographique de la Marine (Shom), et une station permanente de positionnement satellitaire.

Les marégraphes de Marseille (mécanique et numérique) mesurent le niveau de la mer par rapport à des repères matériels implantés à l’intérieur des bâtiments. Quand le résultat de ces mesures donne une valeur qui diminue avec le temps, la question qu’il convient de se poser est : que mesure-t-on, une hausse du niveau de la mer, un tassement du point de référence, ou une combinaison de ces deux phénomènes ? Les informations transmises par les satellites GNSS (Global Navigation Satellite System), nom générique des systèmes de navigation satellitaires sur l’ensemble de la planète tels que GPS (États-Unis), GLONASS (Russie), Galileo (Union européenne), Beidou (Chine), peuvent répondre à ces questions.

Marégraphe numérique © Alain Coulomb

Les séries longues d’observations GNSS, établies au moyen de stations permanentes associées avec les marégraphes (en France le réseau GNSS permanent RGP), donnent une information sur le mouvement absolu du sol, les marégraphes sur les mouvements de la mer relatifs au sol, la combinaison des deux permettant de comprendre le comportement réel du niveau de la mer à l’endroit considéré.

Les amis du marégraphe de Marseille

L’association « Les amis du marégraphe de Marseille » a pour objet d’agir pour le rayonnement de cet observatoire du niveau de la mer. Elle utilise tous les moyens à sa disposition pour faire mieux connaître ses deux atouts essentiels : sa riche histoire et son intérêt scientifique actuel.

En plus de ses actions de valorisation patrimoniale et de vulgarisation scientifique, elle s’inscrit, avec modestie et générosité, et de façon apolitique, dans la nécessaire communication sur l’obligation de s’adapter aux changements climatiques.

Pour cela, elle organise des conférences, des interventions dans les médias, des ouvertures du marégraphe au public… Elle est présente sur les réseaux sociaux (Facebook et Instagram) et elle diffuse, sur son site internet, sous forme de fichiers PDF, un feuilleton qui a pour nom « Un jour au marégraphe »…

Cette association bénéficie du soutien de personnalités connues et reconnues (des scientifiques, Monsieur Stéphane Bern, S.A.S. le prince Albert II de Monaco, etc.), de l’appui financier de l’Ordre des géomètres experts (OGE) et de nombreux partenariats avec diverses institutions, parmi lesquels figurent le GREC-SUD et l’association AIR Climat.

L’association « Les amis du marégraphe de Marseille » est une association récente, dynamique et innovante. Elle est ouverte à tous, y compris aux mineurs, et portée par des convictions très fortes.

Élévation du niveau de la mer - le complément du GREC-SUD

Selon le dernier rapport du MedECC, sous l'effet combiné de la dilatation thermique et de la fonte des glaciers et calottes polaires, le niveau moyen de la mer méditerranée a augmenté de 1,4 mm/an au cours du XXe siècle, avec une forte accélération observée ces 20 derniers années ; jusqu’à 2,8 mm/an sur la période 1993-2018. Ainsi à Marseille le niveau de la mer a augmenté d’environ 20 cm depuis le début du XXe siècle. La hausse moyenne du niveau de la mer en Méditerranée devrait encore s’accélérer au cours du XXIe siècle. Autour de 2100, en fonction du succès, ou non, des stratégies mondiales de réduction des émissions de gaz à effet de serre, le niveau moyen de la mer dans le bassin augmentera vraisemblablement dans une fourchette allant de 37 cm (neutralité carbone en 2050) à 90 cm (échec des engagements de la COP 21) de plus que le niveau observé à la fin du XXe siècle ; avec une faible probabilité qu’il s’élève de plus de 110 cm.

Le littoral de la région Provence Alpes Côte d’Azur déjà fragilisé par l’artificialisation (40% des côtes sont artificialisées) et les activités anthropiques est particulièrement vulnérable aux effets de l'augmentation du niveau de mer. Les conséquences sont et seront multiples : accélération des phénomènes d'érosion des plages et des côtes rocheuses, exposition accrue aux vagues de submersion, phénomènes de remontée et intrusions salines, impacts sur la biodiversité marine et littorale. Ces conséquences auront bien sûr des impacts de plus en plus importants en sur les infrastructures, le tourisme, la santé publique, la biodiversité, l’accès à l’eau, l’agriculture et l’élevage (notamment en Camargue) et donc plus generalement en termes de politiques publiques.

Pour comprendre les liens entre changement climatique et augmentation du niveau de la mer, vous pouvez consulter (en accès libre) le cahier du GREC-SUD "La mer et le littoral de Provence-Alpes-Côte d'Azur face au changement climatique ".

Pour consulter les données relatives au niveau de la mer, cliquez ici

Évolution du niveau de la mer à Marseille mesurée par le marégraphe © Alain Coulomb
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