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Évolution de l’enneigement dans les Alpes du Sud entre 1971 et 2019

Une synthèse proposée par Yves Bidet (membre du Conseil scientifique du GREC-SUD) à partir de l'article suivant :

Matiu, M., Crespi, A., Bertoldi, G., Carmagnola, CM., Marty, C., Morin, S., ... & Weilguni, V. (2021). Observed snow depth trends in the European Alps: 1971 to 2019. The Cryosphere, 15, 1343–1382.

Synthèse disponible au format PDF

Article de recherche de référence au format PDF

Massif des Ecrins à Monestier-les-Bains ©A. Nicault

Dans un article paru en mars 2021 dans le journal en ligne The Cryosphere, une équipe internationale, composée de scientifiques issus des six pays alpins européens (Allemagne, Autriche, France, Italie, Slovénie et Suisse), évalue l’évolution de l’enneigement depuis les années 1970. Il s’agit de la première étude qui porte sur l'enneigement de l’ensemble des Alpes. Cette synthèse examine les résultats, en s’attachant plus spécifiquement à ceux du sud des Alpes françaises.

Pour conduire cette étude, les auteurs ont d’abord constitué une base de données à partir de toutes les mesures faites par les services météorologiques nationaux et les différents centres de recherche concernés. Les données collectées sont les mesures quotidiennes d’épaisseur totale du manteau neigeux et d’épaisseur de neige fraîche. La grande majorité des mesures sont manuelles, quelques-unes parmi les plus récentes sont issues de stations automatiques. Ce travail obscur, mais fondamental, a permis la constitution d’un jeu de données inédit qui a été mis à disposition de la communauté scientifique et qui servira à l’avenir de socle à de nouvelles études.

Les données recueillies couvrent donc l’ensemble des Alpes, mais avec une densité géographique très variable : la majorité des données concernent des points d’altitude inférieure à 1000 m, alors que celles au-dessus de 2000 m sont beaucoup moins nombreuses. Aucune mesure supérieure à 3200 m d’altitude n’est présente dans l’étude.

Une analyse statistique du jeu de données a ensuite été réalisée, afin de déterminer les mesures ayant un comportement similaire sur la période. Ce processus, appelé « analyse en composantes principales », appliqué à la mesure de la hauteur totale de neige fraîche quotidienne, a permis de scinder les Alpes en cinq ensembles cohérents. Le résultat de cette analyse est présenté dans la Figure 1.

Figure 1. Répartition géographique des points de mesure dans les 5 classes créées par l’analyse statistique.En fond de carte, une autre classification (HISTALP) qui prend en compte d’autres paramètres météorologiques (méthode non détaillée dans l’article de référence).

Cinq classes sont mises en évidence par l’analyse statistique :

  • la classe « NW » regroupe des points de basse altitude (médiane : 472 m) essentiellement en Allemagne et au nord-ouest de la Suisse ;
  • la classe « NE » contient des stations de basse altitude (médiane : 515 m) dans le sud-est de l’Allemagne et le nord-ouest de l’Autriche ;
  • la classe « Nord et Alpes élevées » contient des stations d’altitude plus haute (médiane : 1050 m) principalement situées en France, Suisse et Autriche ;
  • la classe « Sud » et Alpes élevées » contient des stations d’altitude plus haute (médiane : 1530 m) majoritairement situées en Italie et dans les Alpes du Sud françaises ;
  • la classe « SE » contient des stations de basse altitude (médiane : 42 m), essentiellement en Slovénie et dans l’est de l’Autriche.
  • La très grande majorité des points de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur appartiennent à la classe « Sud et Alpes élevées » (appelée « Alpes du Sud » dans ce document). La proximité de chacune des stations avec le centre de la classe a été calculée. Pour les points de notre région, elle est généralement bonne. Les résultats statistiques obtenus sur la classe « Alpes du Sud » sont donc plutôt bien représentatifs des tendances observées dans notre région.

    La Figure 2 montre les tendances mensuelles obtenues pour chaque station de la classe « Alpes du Sud ».

    Figure 2. Tendances linéaires de la hauteur mensuelle de neige (en cm par décade) pour la classe « Alpes du Sud ». Les mois sont en colonnes, de novembre à mai. Chaque point représente une station positionnée selon sa tendance et son altitude. Les lignes horizontales entourant chaque point représentent l’intervalle de confiance à 95 % de la tendance.

    À partir des moyennes par mois et par tranche d’altitude, les résultats sont significatifs (Tableau 1) :

    Tableau 1. Tendances linéaires moyennes par tranche d’altitude de la hauteur mensuelle de neige (en cm par décade) pour la classe « Alpes du Sud ».

    Si ces tendances sont ramenées sur la période de 50 ans étudiée (1971-2019), les évolutions des hauteurs de neige en fonction de l’altitude sont les suivantes :

    • en basse altitude (en dessous de 1000 m), la diminution est de l’ordre de 5 cm en début de saison, jusqu’en décembre. Ce déficit s’accentue pour atteindre 20 à 25 cm en janvier et février, puis baisse graduellement jusqu’à devenir quasiment nul en mai (période où il n’y a presque plus de neige à cette altitude) ;
    • aux altitudes moyennes (entre 1000 et 2000 m), la diminution est de moins de 5 cm sur la période en décembre, puis le déficit augmente pour atteindre 35 cm en mars-avril, avant de décroître ensuite ;
    • au-dessus de 2000 m, le comportement est assez différent : plutôt plus de neige en début de saison (jusqu’à +20 cm en décembre), puis tendance à la baisse avec un déficit qui s’accentue au fil des mois, avec une perte maximale de presque 50 cm en mai.

    L’étude s’intéresse aussi aux tendances, sur l’ensemble de la saison (de novembre à mai), des hauteurs moyenne et maximale de neige, et de la durée de neige au sol. La Figure 3 indique les résultats :

    Figure 3. Tendances linéaires, pour la classe « Alpes du Sud » et l’ensemble de la saison, de la hauteur moyenne de neige (à gauche, en cm par décade), de la hauteur maximale de neige (au milieu, en cm par décade) et de la durée moyenne de neige au sol (à droite, en jours par décade). Chaque point représente une station positionnée selon sa tendance et son altitude. Les lignes horizontales entourant chaque point représentent l’intervalle de confiance à 95 % de la tendance.

    Comme précédemment, il est possible de calculer des moyennes par tranche d’altitude des tendances des trois paramètres décrits ci-dessus. À ce stade, les auteurs de l’étude ont choisi de regrouper les classes. Celle des « Alpes du Sud » a été associée à la classe SE : les moyennes indiquées dans le Tableau 2 sont donc calculées sur un ensemble de stations plus important que celui du Tableau 1. La majorité des stations de la classe SE étant situées en dessous de 1000 m, ce sont principalement les moyennes dans cette tranche d’altitude qui sont affectées par l’ajout de cette classe, les deux autres classes ne variant que peu ou pas.

    Tableau 2. Tendances linéaires des moyennes, par tranche d’altitude, de la hauteur moyenne de neige (en cm par décade), de la hauteur maximale de neige (en cm par décade) et de la durée de neige au sol (en jours par décade), calculées sur l’ensemble de la saison pour les deux classes du sud des Alpes (Sud et Alpes élevées + SE). Les chiffres entre parenthèses sont les mêmes tendances exprimées en pourcentage.

    En appliquant les tendances sur 50 ans, on peut obtient les chiffres suivants :

    • en moyenne altitude, diminution d’environ 20 cm de l’épaisseur moyenne de la couche neigeuse et d’un peu moins de 50 cm de la hauteur maximale de neige. À noter : le chiffre relatif à la hauteur maximale est deux fois plus grand que celui de la hauteur moyenne, mais, en pourcentage, la perte la plus significative concerne la hauteur moyenne. Pour la durée de neige au sol, la perte est de 35 jours, soit un peu plus d’un mois ;
    • au-dessus de 2000 m d’altitude, l’impact est plutôt moins sensible, avec 15 cm de perte en hauteur moyenne et 45 cm en hauteur maximale. La durée de neige au sol n’a perdu que 5 jours en haute altitude.
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