Par T. CURT, T. FRÉJAVILLE et E. RIGOLOT
Les incendies de forêts sont une partie intégrante des écosystèmes méditerranéens. Ils constituent à la fois une menace pour les biens, les services et les écosystèmes, en détruisant chaque année des milliers d’hectares. Ils génèrent souvent des problèmes d’érosion et de désertification, de qualité de l’air et d’émissions de CO2 . Pourtant, ils sont aussi une perturbation nécessaire ou compatible avec le maintien d’écosystèmes comme les garrigues, par exemple.
Bien qu’il existe encore des incertitudes liées aux projections climatiques, les décideurs publics et les gestionnaires devront probablement faire face à une augmentation de la fréquence des incendies, de leur intensité et de leur sévérité. En Europe du Sud, les modèles actuels prédisent une augmentation globale du risque incendie liée à une augmentation des jours avec un danger sévère ou extrême et à un allongement de la saison à risque. La surface brûlée pourrait ainsi augmenter d’un facteur de 3 à 5 vers 2100 (scénario A2, pessimiste).
Toutes ces évolutions plaident pour une gestion adaptative des forêts pour limiter les risques et les impacts à long terme.
La région Provence-Alpes-Côte d’Azur est un point chaud pour les feux de forêts ; 75% des communes ont été touchées par des incendies. En région méditerranéenne française, en moyenne, 2500 départs de feux et 21000 ha de forêts et de milieux naturels sont brûlés par an. La région regroupe plusieurs facteurs prédisposant à l’éclosion, puis à la propagation : climat sec, chaud et venté, végétation abondante et souvent inflammable, forte pression anthropique (densité humaine, densité de l’habitat et des réseaux routiers...) qui génèrent de nombreux départs de feux. Elle comprend aussi une forte concentration d’enjeux humains et technologiques qui désorganisent les stratégies de lutte et augmentent fortement le risque.
L’activité des incendies dans la région dépend de trois grands facteurs : nombre de départs de feu (principalement générés par l’homme), végétation combustible et climat. La plupart des incendies survient en été, car les conditions météo sont très favorables et les activités humaines et touristiques sont décuplées. Cependant, des pics d’activité liés aux activités agricoles, pastorales ou forestières peuvent aussi exister hors été.
Les changements climatiques combinés aux changements d’occupation et d’usages du sol devraient modifier l’activité des incendies :
Par ailleurs, la hausse de la température devrait augmenter les dépérissements forestiers déjà constatés sur certaines espèces, ce qui augmente la biomasse combustible morte et donc l’intensité des incendies ;
La gestion du combustible est la seule action permettant de modifier le comportement du feu. Trois stratégies fondamentales sont possibles : cloisonnement des massifs forestiers par des réseaux cohérents et régulièrement entretenus, modification du combustible par une mosaïque d’interventions à l’échelle du paysage ou conversion des communautés végétales les plus sensibles en des formations végétales plus résistantes ou plus résilientes au feu. La 1ère option est certainement celle qui continuera à être la plus utilisée dans la région, mais une intensification durable de la gestion forestière liée à une demande en bois accrue dans le cadre de la transition énergétique présente des opportunités pour une sylviculture préventive bien maîtrisée.
Zoom 8. ÉVALUATION DU RISQUE D’INCENDIE DE FORÊT EN CORSE À L’HORIZON 2100
Par E. GARBOLINO
La Corse est un territoire déjà connu pour son exposition actuelle aux incendies de forêt. Le contexte de réchauffement climatique et les projections réalisées par le GIEC nécessitent d’évaluer l’impact sur le risque d’incendies sur ce territoire déjà vulnérable. Pour cela, le Centre de recherche sur les risques et les crises de MINES ParisTech a développé une méthodologie qui repose sur les étapes suivantes : l’étalonnage des plantes principalement impliquées dans les incendies de forêt avec les variables climatiques, l’estimation de la répartition potentielle de ces plantes selon le climat actuel (référentiel) et le climat futur (2100). La comparaison des probabilités de répartition selon le climat actuel et futur montre une progression moyenne des végétaux thermophiles et xérophiles (espèces propices à la propagation des feux) sur près de 300 m d’altitude, ce qui va provoquer le remplacement des autres végétaux moins exposés aux incendies de forêt. Ces résultats soulignent ainsi la possibilité d’une augmentation des surfaces exposées au risque d’incendie de forêt dans le futur et suscitent des questions quant à l’adaptation des pratiques d’utilisation du sol pour limiter la vulnérabilité du territoire. Cette méthodologie développée sur le territoire corse peut être appliquée à la région PACA.
Dans ces perspectives, toutes les options de maîtrise du combustible devront être mobilisées, comme le débroussaillement mécanique, le sylvo-pastoralisme, voire l’utilisation du feu lui-même pour la prévention des incendies de forêt. Cette dernière pratique peut être utile pour le maintien de la biodiversité et de certaines espèces dans des écosystèmes « contrôlés par le feu ». L’objectif d’une gestion raisonnée du risque incendie à long terme serait d’éviter les incendies dévastateurs, tout en encourageant des usages du feu (brûlage dirigé, usage traditionnel du feu respectueux des bonnes pratiques et de la réglementation) compatibles avec les activités humaines et le fonctionnement des écosystèmes.