Pour mieux apprécier l’évolution du climat futur en PACA, deux approches sont ici privilégiées : la première décrit des tendances régionales, la seconde s’intéresse à l’échelle très locale.
Il faut rappeler que les modèles climatiques numériques utilisés pour se projeter à la fin du 21e siècle sont des programmes informatiques qui, à partir des équations de la mécanique des fluides et de la thermodynamique, simulent l’évolution des paramètres météorologiques pour les futures décennies. A cette échéance, il ne s’agit pas d’une prévision du temps au jour le jour, mais de tendances à long terme induites par certaines hypothèses au premier rang desquelles figurent les scénarios socio-économiques (Cf. partie 3.1). A l’incertitude liée aux scénarios RCP s’ajoute l’incertitude intrinsèque des modèles. Pour prendre en compte cette dernière, une technique appelée « multi-modèles » est désormais privilégiée. L’objectif est de mettre en évidence la dispersion des résultats de modèles indépendants pour définir les avenirs climatiques possibles, ce qui conduit à donner comme résultat non pas une valeur, mais une fourchette de valeurs considérées comme les plus probables.
Les dernières versions des modèles climatiques ont une résolution d’environ 10 km, ce qui signifie que les points de la grille sont distants de 10 km. Un exercice d’intercomparaisons des modèles au niveau européen, nommé Euro-Cordex, a été mené en 2014. Nous disposons désormais d’un ensemble de 9 modèles pour caractériser le changement climatique d’ici la fin du siècle. Cet ensemble permet de préciser l’ampleur du bouleversement en région PACA.
Un réchauffement des températures qui se poursuit en PACA
Concernant les températures de l’air, les simulations climatiques mettent en évidence un signal fort qui se traduit par une augmentation des températures. Ce signal est déjà perceptible dans les séries climatiques de la fin du 20e siècle. L’écart entre la température moyenne annuelle et la température moyenne annuelle de référence serait de l’ordre de +1,9°C à +5,5°C à la fin du siècle, selon les zones géographiques et les scénarios socioéconomiques (RCP).
La Figure 22 indique les différentes perspectives d’évolution de la température moyenne annuelle simulée par les modèles :
La Figure 22 distingue les différences entre scénarios et souligne notamment les différences entre les RCP 4.5 et 8.5 à l’échéance 2100. Ces simulations montrent également que seule une diminution drastique du rejet des gaz à effet de serre dans l’atmosphère (scénario RCP 2.6) est susceptible de maintenir la hausse des températures moyennes en deçà de 2°C.
Les températures seront plus douces en hiver. Par exemple, le nombre de jours de gel annuel à Embrun, dans le scénario le plus pessimiste, sera compris à la fin du siècle entre 40 et 50 jours, alors qu’il est aujourd’hui d’une centaine. Ceci entraînera une diminution du manteau neigeux (Zoom 6), surtout aux altitudes moyennes. Les étés, quant à eux, déjà très chauds dans notre région, seront encore plus torrides avec une élévation pouvant aller jusqu’à +7°C pour le scénario le plus pessimiste. Cette tendance sera plus marquée sur les températures maximales, comme en témoignent les cartes suivantes (Figure 23) qui illustrent l’évolution de la température maximale de l’air au cours de l’été (juin à août) en région PACA. Ces données sont issues du modèle ALADIN-Climat de Météo-France pour la fin du 21e siècle selon les scénarios socio-économiques (source : DRIAS, les futurs du climat).
Pour Aix-en-Provence, l’anomalie (ou écart) des températures estivales sera de l’ordre de +3,4°C à la fin du 21e siècle d’après le scénario intermédiaire (RCP 4.5) et de plus de +6°C d’après le scénario le plus pessimiste (RCP 8.5). A titre de comparaison, l’anomalie de la température de l’air moyenne à Aix-en-Provence durant l’été 2003 a été de +3,5°C. La canicule de 2003 deviendrait donc en région Provence-Alpes-Côte d’Azur un événement quasi normal, voire frais, dans la seconde moitié du 21e siècle.
ZOOM 6. Suivre l’évolution de l’extension spatiale potentielle du manteau neigeux dans les Alpes du Sud
Dans les Alpes-Maritimes, les postes de mesures de Météo-France enregistrent une hausse des températures minimales et maximales. Par exemple, la station de Nice-aéroport a vu sa température minimale moyenne annuelle passer de 11,7°C pour la période 1961-1990 à 12,4°C pour la période 1981-2010 ; pour la température maximale moyenne annuelle dans cette même station la hausse est de 0,6°C en 20 ans (de 19°C à 19,6°C). Dans ce contexte climatique et alors qu’une partie de l’économie touristique du département repose sur la pratique des sports d’hiver, quelle sera l’évolution de l’enneigement dans l’extrême sud des Alpes françaises ?
Grâce aux techniques de descente d’échelle et en émettant des hypothèses sur l’influence de la température de l’air sur la présence de neige au sol, il est possible de réaliser des cartes représentant l’extension spatiale potentielle du manteau neigeux. Par exemple, les cartes ci-dessous (Figure 24) illustrent la présence de neige au sol dès lors que la température moyenne journalière est inférieure à 0°C. L’extension spatiale du manteau neigeux est qualifiée de « potentielle » car aucune information relative à l’apport de neige, et donc aux précipitations, n’est prise en compte en raison d’une trop grande incertitude à cette échelle spatiale.
Figure 24. Evolution de la zone potentiellement recouverte par la neige (en blanc) pour les mois de février obtenue par downscaling15 statistique des sorties de températures du modèle ALADIN-Climat : 1961-1990 à gauche, 2021- 2050 au centre (scénario A1B) et 2071-2100 (scénario A1B). Source : Nicolas Martin, UMR ESPACE
Le signal concernant l’évolution des précipitations en Provence-Alpes-Côte d’Azur n’est pas très net. Les projections climatiques fournies par les modèles montrent en effet dans notre région des évolutions contradictoires, que ce soit sur la quantité globale des précipitations annuelles ou sur le nombre de jours de fortes précipitations (pluies supérieures à 20 mm, soit 20 litres/m² sur une journée).
Cette incertitude est illustrée par la Figure 25 qui montre la dispersion des résultats des modèles relatifs aux cumuls annuels de précipitations :
Le scénario RCP 8.5 semble confirmer une légère tendance à la baisse des pluies annuelles. De son côté, le scénario RCP 4.5 amorce à la fin de siècle une hausse, soit une tendance inverse. La répartition spatiale de ces évolutions en région PACA est illustrée par les cartes Figure 26 qui représentent la perspective médiane de l’ensemble des modèles pour les deux scénarios d’émissions.
En examinant plus particulièrement la tendance des pluies estivales, on constate une tendance à la baisse plus marquée que sur les autres saisons pour le scénario RCP 8.5 et un allongement du nombre de jours consécutifs sans précipitation. Conjugué à la hausse importante des températures de l’air, ce phénomène accentuera la sécheresse des sols en été et aura des conséquences notables à long terme sur la gestion de la ressource en eau et la sensibilité des forêts aux incendies, dans une région déjà très vulnérable sur ces aspects.
L’une des manières de rendre plus concret le changement climatique est de comparer le climat futur de villes au climat actuel d’autres villes. La comparaison des caractéristiques climatiques permet de mieux appréhender et comprendre l’évolution du climat.
Les simulations de 20 modèles globaux CMIP5 ont été analysées pour chacun des scénarios RCP 2.6, 4.5 et 8.5. Selon le GIEC, le premier scénario est le seul compatible avec un réchauffement ne dépassant pas 2°C en moyenne globale ; le second correspond à la somme des contributions volontaires, soumises avant la COP21, qui limiterait le réchauffement à 3°C en 2100 ; le troisième consiste simplement à émettre des gaz à effet de serre à la même vitesse que par le passé, provoquant un réchauffement susceptible d’atteindre 5°C en 2100. Ces simulations ont été interpolées linéairement sur une
grille commune de résolution de 1° de longitude/latitude (voir zoom 3). Six variables climatiques, caractéristiques du climat méditerranéen, ont été considérées : la température moyenne annuelle (°C), la température moyenne de janvier (°C), la température moyenne de juillet (°C), le cumul des précipitations annuelles (mm/an), le cumul des précipitations hivernales d’octobre à avril (mm/an), le nombre de mois secs pour lesquels les précipitations totales sont inférieures à 20 mm.
Quatre villes représentatives de la région PACA ont été sélectionnées : Marseille, Nice, Avignon et Digne-les-Bains.
Et deux périodes futures ont été étudiées : 2050 et 2100. La Figure 27 présente les résultats pour quatre des six variables climatiques. Pour chacune des combinaisons (RCP x ville x période), soit 24 cas, le plus proche analogue actuel des projections locales est déterminé, soit la région dont le climat actuel est le plus proche des cas ciblés. La similarité est basée sur la distance euclidienne bâtie sur les variables climatiques standardisées. Ainsi, le climat de Marseille avec le scénario RCP 8.5 en 2100 ressemblera à celui des Pouilles dans le sud-est de l’Italie. Cette analogie est un compromis entre la température qui va fortement augmenter et les précipitations dont l’évolution est beaucoup plus incertaine. Si les précipitations n’étaient pas prises en compte, l’analogue se trouverait vraisemblablement en Afrique du Nord. Mais si on les intègre, cette région est trop sèche pour fournir un bon analogue.
A l’horizon 2050, tous les scénarios restent encore compatibles avec le seuil de 2°C. Seules les villes d’Avignon et de Marseille pour le scénario RCP 8.5 auront un climat suffisamment chaud en janvier pour se décaler vers le sud de l’Italie (Naples). A l’horizon 2100, il y a un fort risque de décalage vers le sud de l’Italie ou le nord de la Tunisie pour les trois villes de basse altitude (Marseille, Nice et Avignon) pour le scénario RCP 8.5, et même pour le scénario RCP 4.5 pour Nice. On peut donc considérer que seul le RCP 2.6 limite le risque climatique.
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