2.Connaître le climat méditérranéen et les enjeux du changement climatique

Pour mieux comprendre les caractéristiques du climat de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et appréhender les enjeux du changement climatique, il est primordial de décrire le contexte méditerranéen et les spécificités locales. L’influence de la circulation atmosphérique générale, mais aussi de la mer et de la montagne, impose à la région un climat complexe qui se traduit parfois par des conséquences dramatiques. Le risque et ses composantes (aléa, vulnérabilité et susceptibilité) sont des notions qui prennent ici tout leur sens.

2.61. La région Provence-Alpes-Côte d’Azur sous influence d’un climat méditerranéen

Le climat méditerranéen est avant tout caractérisé par une sécheresse et une chaleur estivales, et secondairement par la relative douceur des températures hivernales. Les précipitations en Provence-Alpes-Côte d’Azur dépassent 500 mm par an en moyenne, mais varient fortement d’une année ou d’un mois sur l’autre : à de longues périodes sèches peuvent succéder des averses d’une intensité remarquable.

Situation générale

Ce climat de latitudes moyennes au sein de la zone dite « tempérée » est en fait intermédiaire entre la zone froide polaire et la zone chaude intertropicale (Figure 1).

Elle connaît donc des étés et des hivers bien différenciés, et comme le climat méditerranéen se trouve en marge sud, elle bénéficie d’un fort apport radiatif solaire.

Figure 1. Les différents climats du monde (source : Wikipedia - https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/3/32/World_Koppen_Map.png)

Dans le sud-est de la France et plus particulièrement en région PACA qui est partiellement isolée des flux de nord par des reliefs marqués (Massif central et Alpes) qui font barrière, l’arrivée en surface de l’air froid en provenance du nord est freinée. Cependant, deux trouées (seuil du Lauragais à l’ouest et vallée du Rhône au nord-ouest) constituent des axes de communication avec le monde non méditerranéen et permettent des échanges accélérés de masses d’air qui se dirigent du nord vers le sud (Tramontane ou Mistral) ou l’inverse (vent d’Autan ou vent du sud qui prend de la vitesse en vallée du Rhône).

Une autre caractéristique remarquable, outre les barrières montagneuses trouées au nord (Figure 2), est l’existence d’une grande réserve d’eau chaude ou tiède, la mer Méditerranée, qui fournit non seulement de la chaleur en hiver (température de l’eau d’environ 12°C minimum), mais aussi beaucoup de vapeur d’eau, donc d’humidité à l’air, matière première de la pluie sous certaines conditions.

Figure 2. Situation de PACA sur la bordure méditerranéenne nord (source : Pierre Carrega, UMR Espace)

​Conséquences et spécificités

En plus d’un rayonnement solaire puissant et régulier, cette position en marge sud de la zone tempérée assure à la région PACA une circulation atmosphérique anticyclonique dominante ou du moins plus fréquente que dans la moitié nord du pays, surtout en été, ce qui explique l’absence de précipitations durant cette période. Cette subsidence anticyclonique qui concerne toute la troposphère, vu son origine subtropicale (anticyclone des Açores), s’oppose au soulèvement de l’air qui est une condition nécessaire à la pluie.

En hiver, les perturbations cycloniques de secteur ouest apportent des pluies, mais leur trajectoire demeure rarement centrée à notre latitude et leur fréquence est modérée. De plus, la présence de reliefs, comme les Cévennes ou les Préalpes de Grasse, provoque un effet de foehn par flux d’ouest, engendrant du vent fort, mais aussi soleil, chaleur et sécheresse.

Dès le début de l’automne et jusqu’au printemps, avec la reprise d’une circulation atmosphérique assez dynamique, il arrive que de puissants talwegs froids d’altitude descendent à des latitudes basses sur la Méditerranée, ce qui génère des cyclogénèses liées à la circulation méridienne de secteur sud, advectant de l’air chaud et humide dans les basses couches de l’atmosphère. Dans ce contexte, se produisent les « pluies cévenoles » et les averses orageuses parfois excessives capables d’apporter la quantité moyenne d’un mois de pluie en seulement une heure…

Ces effets de latitude et de protection due au relief au nord de la région font que le vent synoptique est le plus souvent faible. Mais, dès que ce dernier s’installe de secteur nord-ouest à nord-est, principalement pendant la saison froide, il augmente vite en fréquence à l’ouest de la région où souffle le Mistral.

Le deuxième vent en termes d’occurrence est le vent d’est, marin, lui aussi renforcé en vitesse par les Alpes au nord qui le canalisent, vent souvent associé à une dégradation imminente du temps et à des précipitations.

La nébulosité assez faible et les calmes synoptiques favorisent la circulation atmosphérique locale faite de brises thermiques, vents liés aux différences de températures, donc de pression à la surface du sol, entre terre et mer d’une part, et entre montagne et vallée, d’autre part.

Les conséquences sont une ventilation assez faible en général (favorisant la pollution de l’air), avec un renversement de la direction du vent en matinée et en fin d’après-midi (contribuant à recycler les polluants). Dans les vallées et cuvettes, les inversions thermiques sont la règle, pouvant produire de fortes gelées près de la mer et contribuant à créer de forts gradients thermiques nocturnes.

La topographie est donc reine pour modifier le climat à l’échelle locale (topoclimatologie) en fonction non seulement de l’altitude, de l’éloignement de la mer, de l’exposition, mais aussi de l’encaissement, de la valeur des pentes, etc. (Figure 3). De ce fait, il existe une kyrielle de nuances climatiques locales.

Figure 3. Pente et position différentes, à une même altitude (source : Pierre Carrega, UMR Espace)

2.109. Les notions de risques liés au climat méditerranéen

Excepté les trois risques telluriques (volcans, séismes et tsunamis), tous les autres risques d’origine naturelle impliquent le climat et concernent fortement la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, en particulier les risques liés à la sécheresse (incendies de forêt) ou à la pluie (inondations, glissements de terrain).

Le risque implique l’homme, non seulement comme victime, mais aussi comme acteur au moins partiel des évènements. Pour sa compréhension et donc sa prévision, il doit être analysé et découpé en composantes qui sont traditionnellement l’aléa et la vulnérabilité entre lesquels s’insère la susceptibilité, soit le potentiel de génération d’un événement.

Ainsi, l’inondation est déclenchée par un aléa, une pluie intense qui ruisselle ou s’infiltre dans le sol en fonction de la susceptibilité. Cette dernière dépend des caractéristiques pédologiques et géologiques qui vont définir la porosité du substrat, la valeur des pentes, la hiérarchisation des cours d’eau et le mode d’occupation du sol. Ce dernier peut être couvert de forêt (favorisant l’infiltration) ou, à l’inverse, totalement urbanisé. Il en résulte que le coefficient de ruissellement (déterminant l’eau s’évacuant en surface) varie selon les lieux, et qu’une même averse n’aura donc pas les mêmes effets. Ce coefficient varie aussi dans le temps puisque des pluies antérieures à une forte averse peuvent avoir saturé le sol, ce qui empêche l’infiltration… A ce niveau, on comprend bien que l’homme intervient déjà plus ou moins intensément, en particulier par le mode d’occupation du sol.

Le troisième volet est bien sûr la vulnérabilité qui concerne à la fois les enjeux (vies humaines, richesses de tous ordres) et l’ensemble des moyens mis en oeuvre pour protéger ces mêmes enjeux. Une crue survenant dans des champs n’aura pas grande conséquence. En revanche, les fortes densités de population sur son chemin sont autant de facteurs de risques.

Réussir à minimiser les conséquences d’un aléa consiste donc soit à apprendre à lutter contre lui, soit à l’empêcher de prendre une grande ampleur ou de se développer, soit à s’en protéger, soit encore à annoncer son arrivée. Ces actions se font à différentes échelles de temps allant du temps réel à des années d’anticipation.

Le court terme concerne la lutte, contre un feu de forêt par exemple, ou la mise en alerte, comme le système de vigilance de Météo-France, ou encore la détermination du risque météorologique de feu de forêt, quelques heures ou quelques dizaines d’heures à l’avance. Ces actions anticipées sont rendues possibles par la lecture et l’interprétation de modèles de prévisions, généralement déterministes, c’est-à- dire fondés sur les lois de la physique de l’atmosphère. Sur le très court terme, l’observation prime par l’intermédiaire des vigies, de la surveillance satellitale ou instrumentale (stations météorologiques), du radar pluviométrique… Il s’agit ici des systèmes d’alerte précoce (Zoom 1), comprenant différents volets, notamment celui qui permet d’alerter et de prendre des décisions immédiates : par exemple, la fermeture d’un tunnel routier submersible quelques minutes avant l’arrivée d’une puissante cellule orageuse, ou l’évacuation d’un terrain de camping à l’approche d’un incendie de forêt. On est ici dans l’anticipation de l’aléa avec la réalisation d’actions préventives.

ZOOM 1. Les différents volets des systèmes d’alerte précoce (SAP)

L’alerte précoce est « la fourniture d’informations en temps opportun et efficace, à travers des institutions identifiées, qui permet aux individus exposés à des dangers de prendre des mesures pour éviter ou réduire le risque et se préparer à une réponse efficace. Elle intègre ces quatre éléments :

  1. la connaissance du risque : l’évaluation du risque, donc une quantification de l’aléa, fournit des informations essentielles pour établir les priorités nécessaires à son atténuation, à l’élaboration de stratégies de prévention et à la conception du système d’alerte précoce ;
  2. la surveillance et la prévision : la surveillance et les capacités de prédiction fournissent des estimations rapides du risque potentiel des communautés, des économies et de l’environnement ;

  3. la diffusion de l’information : les systèmes de communication sont nécessaires pour délivrer des messages d’avertissement aux endroits potentiellement touchés pour alerter les agences gouvernementales locales et régionales. Les messages doivent être fiables, synthétiques et simples pour être compris par les autorités et le public ;

  4. la réponse : la coordination, la bonne gouvernance et les plans d’action appropriés constituent les points clés d’une alerte précoce efficace. De même, la sensibilisation et l’éducation du public sont des aspects essentiels de l’atténuation des catastrophes ».

Source : texte adapté de l’ONU, 2006, https://www.unisdr.org/2006/ppew/info-resources/ew...

Inversement, agir sur la susceptibilité ou la vulnérabilité peut prendre beaucoup de temps : le débroussaillement des forêts ou le curage des fossés et berges de rivières prend des semaines, par exemple. La planification, l’aménagement du territoire permettent de définir les secteurs particulièrement exposés où la construction sera soit interdite, soit soumise à certaines contraintes, comme le font les Plans de Prévention des Risques (PPR). L’éducation est à cet égard un instrument très utile puisqu’elle sensibilise et apprend à faire les bons gestes. L’échelle de temps est ici pluriannuelle. La réglementation est un facteur essentiel d’action sur la susceptibilité ou la vulnérabilité.

2.151. Le climat méditerranéen dans un contexte de changement climatique global

Le changement climatique (Zoom 2) est devenu une question scientifique au cours des années 1970, mais ses bases théoriques sont connues depuis longtemps. Le mécanisme du changement repose sur le rôle des gaz à effet de serre (GES) dans l’équilibre thermique de la Terre. En effet, le rayonnement électromagnétique du soleil, principalement dans les longueurs d’ondes visibles, fournit à la Terre de la chaleur. De leur côté, la Terre et l’atmosphère la restituent en réémettant vers l’espace un rayonnement infrarouge. Ce dernier est partiellement capté, diffusé ou absorbé par des gaz présents dans l’atmosphère, comme la vapeur d’eau, le dioxyde de carbone, le méthane… Ce phénomène qui limite la perte de chaleur à l’échelle globale est bénéfique puisqu’en l’absence totale de gaz à effet de serre, la température moyenne de l’air sur Terre serait proche de -18°C, au lieu des 15°C actuels, ce qui contraindrait très fortement les conditions de vie sur Terre.

ZOOM 2. Changements climatiques : de quoi parle-t-on ?

Les changements climatiques désignent une variation statistiquement significative de l’état moyen du climat ou de sa variabilité pendant de longues périodes (généralement, pendant des décennies ou plus). Les changements climatiques peuvent être dus à des processus internes naturels ou à des forçages externes ou à des changements anthropiques modifiant durablement la composition de l’atmosphère ou l’affectation des terres. On notera que la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), dans son Article 1, définit « changements climatiques »

comme étant des « changements de climat qui sont attribués directement ou indirectement à une activité humaine altérant la composition de l’atmosphère mondiale et qui viennent s’ajouter à la variabilité naturelle du climat observée au cours de périodes comparables ». La CCNUCC fait ainsi une distinction entre les « changements climatiques » qui peuvent être attribués aux activités humaines altérant la composition de l’atmosphère, et la « variabilité climatique » due à des causes naturelles.

Source : https://www.ipcc.ch/pdf/glossary/tar-ipcc-terms-fr...

Néanmoins, les émissions croissantes de gaz à effet de serre d’origines anthropiques, dépendant des modes de production et de consommation des sociétés, augmentent artificiellement et massivement leur concentration dans l’atmosphère, et rompent ainsi l’équilibre thermique sur Terre, même si des facteurs naturels peuvent aussi intervenir comme les fluctuations du climat mondial l’illustrent au cours de son histoire (Cf. partie 2). Cette rupture se traduit par un réchauffement global qui a une incidence à l’échelle régionale et locale. Le climat est un système complexe dans lequel les interactions sont multiples et permanentes. Perturber le système climatique provoque des réactions en chaine.

La hausse des températures de l’air qui en résulte n’est pas répartie de manière égale sur Terre, du fait de la répartition dissymétrique des continents et des océans, du contraste de températures entre les pôles et l’équateur et des échanges associés, de la fonte des calottes glaciaires et de la banquise… Les impacts du changement climatique seront particulièrement forts dans les régions polaires et subpolaires. Les régions chaudes (régions semi-arides, par exemple) actuelles seront également touchées, mais l’augmentation des températures sera moins importante. Cette plus faible amplitude aura toutefois des conséquences sévères sur ces territoires souvent vulnérables.

Dans ce contexte, les régions nord-méditerranéennes sont particulièrement exposées. Situées au sud de la zone tempérée, elles risquent de glisser vers un régime sud-méditerranéen, plus chaud et plus sec, surtout l’été, avec une augmentation des températures conjuguée à une augmentation de la durée des périodes de sécheresse.

Les principaux impacts seraient :

  • en hiver, une diminution du nombre de jours de gel. Sur le littoral, les gelées pourraient même disparaître. Dans le même temps, l’épaisseur du manteau neigeux moyen en dessous de 1500, voire 1800 mètres d’altitude, diminuerait de manière significative, tout comme la durée moyenne de l’enneigement au sol. Les stations de sport d’hiver situées à basse ou moyenne altitude seraient contraintes de s’adapter au changement climatique en diversifiant leurs activités ;
  • l’été, les épisodes de canicule seraient plus longs. Ce phénomène renforcé par la baisse des pluies estivales rendrait le climat de la région PACA moins confortable pour l’homme et ferait subir à la faune et à la flore des contraintes fortes qui remettraient en cause la répartition spatiale des espèces vivantes.

A plus long terme, une élévation de la température de la mer Méditerranée aurait pour principale conséquence une augmentation de l’évaporation potentielle, l’une des conditions atmosphériques favorables à la genèse d’événements pluvieux extrêmes qui représentent un risque majeur dans la région. La fréquence de ces événements durant les cinquante dernières années n’a toutefois pas augmenté de manière sensible, contrairement à la vulnérabilité des territoires.

Les impacts du changement climatique en région PACA sur l’agriculture, la forêt, la ressource en eau, le littoral, la montagne… sont décrits dans la première publication du Groupe régional d’experts sur le climat en Provence-Alpes-Côte d’Azur (GRECPACA) et seront approfondis dans les cahiers thématiques dédiés.

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